Auteur : Anonyme.Langue originale : Anglais.
Traducteur : Diniz Galhos.
Éditeur : Le livre de poche.
Date de parution : 2011.
Pages : 509.
Prix : 7,50 €.
Santa Mondega, une ville d'Amérique du Sud, oubliée du reste du monde, où sommeillent de terribles secrets... Un serial killer assassine ceux qui ont eu la malchance de lire un énigmatique livre sans nom... La seule victime encore vivante du tueur se réveille, amnésique, après cinq ans de coma. Deux flics très spéciaux, des barons du crime, des moines férus d'arts martiaux, une pierre précieuse à la valeur inestimable, quelques clins d’œil à Seven et à The Ring... et voilà le thriller le plus rock'n roll de l'année.
Diffusé anonymement sur Internet en 2007, ce texte jubilatoire est vite devenu culte. Après sa publication en Angleterre et aux Etats-Unis, il a connu un succès fulgurant".
"Réjouissant jeu de massacre, bourré d'humour noir à la Tarantino. Ultra-imagée et bien rythmée, l'intrigue de ce polar cinéphile, à la lisère du fantastique, est aussi hilarante qu'addictive." Jérôme Vermelin, Métro
Le livre sans nom c'est un peu comme l'alcool. On se lance par curiosité, bien souvent après en avoir longuement entendu parler. On vide chapitres après chapitres, jusqu'à atteindre la plus complète euphorie et le lendemain, on essuie sa première "gueule de papier".
Avec joie toutefois car les effets secondaires ne sont pas les mêmes (s'il vous manquait une preuve de la suprématie du livre, la voilà). Ici en effet, le réveil n'est douloureux que si l'on n'a pas songé à acheter – ou emprunter – le deuxième tome. Pas de soif extrême non plus (si ce n'est celle d'en savoir plus !), de nausée ou encore de migraine, simplement ce maudit plaisir coupable.
Coupable car Le livre sans nom est loin – très loin – du chef d'œuvre mais que, pour autant,on passe un excellent moment en sa compagnie, si tant est du moins que l'on soit doté de second (voire troisième) degré.
Au fil des pages, l'auteur semble en effet échafauder une pastiche de série B et a constamment recours à la caricature. L'histoire par exemple,qui fait graviter policiers, mafieux, moines, serial killer (liste non exhaustive) autour d'une mystérieuse pierre à la valeur inestimable, parait on ne peut plus tirée par les cheveux. Le réalisme cohabite en fait ici avec l'irrationnel, l'humour avec le gore, la mort avec la fantaisie etc. Cette surenchère tant parodique qu'oxymorique permet à mon sens d'aviser le lecteur de la tonalité décomplexée du Livre sans nom, où entre autres choses, vous pourrez voir Batman servir un verre à un membre du groupe Kiss sans vous offusquer le moins du monde du caractère quelque peu invraisemblable de la scène.
Outre cette liberté absolue – et jubilatoire ! –, le point fort du roman réside dans son rythme hautement soutenu. Chaque chapitre repose en effet sur une dynamique effrénée – chaque page recèle son lot de surprises – et voit les morts se succéder comme seul Battle Royale a su le faire jusqu'ici – à ma connaissance L'angoisse est toutefois ici inexistante tant Le livre sans nom regorge d'intrigues surréalistes qui enrayent toute identification. Résolument "tarantinesque", ce thriller est donc un condensé de violence (boyaux, cervelles et sang à gogo) que l'humour, l'extravagance et les divers clins d’œil de l'auteur (Seven, Usual Suspects, L'armée des 12 singes etc) atténuent inexorablement.
J'ai également apprécié la galerie – haute en couleurs – de personnages (des filles badass au mystérieux homme dont le visage est dissimulé par une capuche en passant par le Seigneur des Ténèbres ou encore les chasseurs de primes...) tous plus stéréotypés les uns que les autres, certes – mais là encore à des fins humoristiques – car j'ai trouvé qu'aucun d'entre eux n'était totalement blanc comme neige, or, vous le savez sans doute maintenant à force de me lire, j'ai horreur des visions manichéennes. Je pense toutefois que leur caractère respectif combiné à leur prénom éminemment cliché (Elvis, Rodéo Rex etc) agaceront les lecteurs anti "too much". Pour ma part, j'ai supposé qu'ils permettaient avant tout la mémorisation et ainsi, de mieux se repérer entre tous les personnages.
Si le style quant à lui n'est pas sensationnel, il a au moins le mérite de rendre compte d'une ville qui n'existe pas (Santa Mondega) et plus spécifiquement de l'atmosphère qui règne dans ce trou paumé d'Amérique du Sud à merveille. L'auteur a en effet une écriture très visuelle qui rappelle assez, en cela, celle des storyboards. Son style, court et incisif, retranscrit si minutieusement les décors (bars, carnaval etc) et l'ambiance singulière qui hantent le roman qu'on finit par fermer celui-ci avec l'impression d'avoir regardé un DVD. L'auteur n'a donc certes pas la plume de Marguerite Yourcenar mais il a assurément celle d'un metteur en scène ce qui, au demeurant, explique sans doute les rumeurs selon lesquelles Tarantino en serait l'auteur.
Mon principal bémol est d'ailleurs étroitement lié à cette supposition : certains passages du Livre sans nom sont en effet clairement inspirés de longs-métrages (Desperado et El Mariachi, pour ne citer qu'eux) et, si pour ma part je ne crie pas au plagiat car ce roman hybride est à mes yeux une parodie de tous ces films, il était toutefois très déstabilisant – éthiquement – de lire des scènes tout à fait (ou presque) identiques à ces films ou encore de suivre les aventures d'un couple (Dante et Kacy) me rappelant étrangement celui de Pulp Fiction. Si ces scènes peuvent bien sûr faire office de clins d’œil supplémentaires, leur inspiration demeure pour moi discutable.
Dernier hic enfin, les relations entre les hommes et les femmes dans le roman. Avant tout, je tiens toutefois à préciser que j'ai conscience de l'absurdité de ma remarque à venir, au vu de l'univers que j'ai dépeint jusqu'ici – à savoir une ambiance western très caricaturale et donc, assez logiquement sexiste –, mais (c'est plus fort que moi !), même quand cela va contre la logique, je ne peux me résoudre à refréner cet élan de féminisme qui comprime ma poitrine (et me fait râler) chaque fois que je vois les femmes réduites au statut habituel de partenaire soumise (Kacy) ou de femme fatale et objet (Jessica).
En résumé, un melting-pot complètement barré, à des années lumières des proses les plus estimables mais très distrayant !
Le petit plus Les innombrables clins d'œil cinématographiques, musicaux, télévisés qui parsèment le récit. De Star Wars à L'Arme Fatale en passant par Buffy contre les Vampires, Les Schtroumpfs ou encore Elvis Presley, Le livre sans nom regorge de références qui réjouiront les amoureux de la pop culture (des années 90 surtout) et combleront les lacunes des autres.N'hésitez pas si :
- vous ne savez pas quoi lire en ce moment (Le livre sans nom est quelque peu hybride : western, polar, fantastique, thriller, romance, tout y est !) ;
- vous avez adoré Savages (et/ou pour ceux qui ne l'ont pas vu, vous êtes fan de l'univers de Rodriguez, Oliver Stone ou encore Carpenter) ;
- vous recherchez un roman captivant ;
- vous avez horreur de la vulgarité (même au second degré, vraiment ?) ;
- les personnages caricaturaux vous agacent au plus haut point (dommage car ici, cette volonté de cumuler les stéréotypes est tout bonnement jubilatoire !) ;
- vous recherchez de la grande prose (c'est une écriture très simple, essentiellement visuelle qui se lit un peu comme un script) ;
Il a également été lu dans le cadre d'une lecture commune organisée par Angee. Voici son avis et celui des autres participantes : Alison Mossharty, Parthenia, Walpurgis (et encore désolée pour mon retard !).