L’été arrive difficilement, timide et caché on ne sait trop où, mais les groupes qui se disputent sa bande originale, eux le sont bien moins. En liste, ce sang de surfeurs américains, qui prend tout son sens une fois distillé dans ces vagues violentes et imprévisibles. Nouvel épisode pour nos quatre Floridiens qui dévoilent Pythons: morsure violente pour paralysie programmée, ou simple blessure Mercurochrome?
Tous les ans, la bagarre pour savoir qui sera le King of the Beach fait rage pendant cette période où le soleil daigne enfin pointer le bout de son gros nez. Cette année que ça soit pour les autoproclamés Wavves (qui préfèrent garder leurs coups pour les Black Lips), les plus français La Femme qui débarquent sur leur Planche 2013, ou bien d’autres, la sélection sera dure, un peu prise de tête mais pas pour nous déplaire, car il y a peut être assez de place pour pas mal de monde au final.
Un deuxième opus, c’est la maturité du premier essai et l’expérience qui va avec, c’est aussi là qu’atterrissent « les élus« : ces quelques groupes Indie/Pop-rock plein de mérite, qui ont su construire autour d’eux un bouclier anti-oubli Internet. En bien bel exemple, Surfer Blood, ou la fierté de rentrer à la maison le recoin de la planche dévorée, la jambe en moins mais des souvenirs plein la tête.
Resituons pour les novices de ce groupe qui a déjà su charmer le serpent dans un passé pas si lointain que ça.
Après le très prenant Astro Coast de 2010 (Floating Vibes et Twin Peaks en tête de gondole), c’est en 2011 que John Paul Pitts viendra confirmer sa volonté de laisser la plaie sans compresses avec ses compères, à travers l’EP Tarot Classics (notre chronique ici). Un rock efficace, pur et dur. Nous étions à la fois sous le charme de cette certaine Miranda et submergé par le goût de vacances propagé par Voyager Reprise. En résumé, Surfer Blood a taillé une Pop-rock à la fois simple, mais tellement bien maîtrisée, qui sans aller chercher trop loin, avait pourtant trop d’arguments pour déplaire.
Deux ans après le dernier signe de vie, il est temps de retourner à des sources jamais vraiment quittées. Avec une tournée américaine assez récente en première partie de Foals pour briller, l’attention et l’attente se trouvaient en prime: Nouveau chapitre pour Surfer Blood, qui avec Pythons décident de remettre leurs cartes de donneur du sang à jour. Dix chansons, un nombre qui leur colle plutôt bien à la peau, la fidélité pour Kanine Records (label qui leur va honteusement bien) avec un gros coup de pouce de la part Warner Bros. Pour ce nouvel album, tout est bien mis en place pour qu’il atteigne son sommet: passer les vagues semblerait presque un jeu d’enfant.
Et en effet, le défi est assez bien relevé, même si la peur au ventre de voir ce groupe se faire emporter par la mer était bien présente, Pythons constitue la réussite non pas attendue, mais qui rassurera un public déjà conquis, et touchera les quelques uns qui sont passés à côté du sponsor Quicksilver. D’entrée de jeu, c’est l’explosif Demon Dance qui prend un relais laissé à sa place pendant ces quelques années, ce si bon riff de guitare qui dégage une énergie folle, rien de mieux pour attaquer la suite, tout aussi puissante. Car oui, ici on ne fait pas vraiment dans la chanson calme chemise hawaïenne-jus de papaye, on transpire et on absorbe des paroles simples, qui cognent et ricochent pendant les sept premières chansons, avant de trouver un peu de répit dans les trois dernières.
Même si les chansons ne dégagent pas la même force, l’album en bloc trouve une lignée parfaite, entre ce démarrage en trombe, l’épuisement et l’occasion de retrouver quelques instants de calme à la fin. Weird Shapes, I Was Wrong, Say Yes To Me surement préférables aux Squeezing Blood et Blair Witch, mais dans ces dix chansons, pas vraiment de fautes, pas trop de regrets, un album qui coule très rapidement, et qui excelle dans ce style propre et clair des Surfer Blood. La voix simple d’un JPP qui s’associe toujours aussi bien à son orchestre, dont il guide les faits et gestes, un Pythons soumis par sa flûte enchanteresse.
Qu’on ne se trompe pas, on ne trouvera pas ici des synthétiseurs venus du futur, Surfer Blood ne lâche pas prise de ce qui a pu faire leur succès, et c’est peut être là toute la réussite de ce nouvel opus. Ne pas se perdre dans l’excès nouveauté, le contenu n’en est pas moins frais pour ce Pop-rock devenu légèrement « Teenager » qui séduit toujours aussi facilement. Hochement positif de la tête, coup réussi, Tapis couleur sang.
D’un l’autre côté, il est sûrement important de nuancer cette répétion qui trouve assez de sens ici, mais qui deviendra limitée dans un avenir plus ou moins (on l’espère) proche. Le côté trop neuf évité avec talent ici, reviendra sonné à la porte d’entrée, et il vaudra mieux l’accueillir avec un bon thé chaud et ses quelques biscuits, pour que la lassitude ne prenne pas le pas, et que le groupe boive la tasse.
Les requins peuvent exercer leurs activités meurtrières tranquillement, les restaurants chinois formules illimitées avec ces soi-disant délices des mers restent toujours aussi pourris, pas d’inquiétude pour nos amis surfeurs, leur sang nourrira à merveille les flots de la mer, au moins le temps de l’été, qu’elle soit rouge ou pas.