Art Unlimited est à mi-chemin entre l’exposition-vente et le pop up museum ; c’est aussi un passage obligé à Art Basel et que l’on apprécie parce qu’il permet aux œuvres de respirer – malgré leurs dimensions souvent monumentales – loin des allées où les galeries – et les visiteurs – se succèdent en rangs d’oignons ou presque. Le concept : les galeries sélectionnées pour la foire peuvent également soumettre un dossier à Art Unlimited pour présenter des œuvres peu adaptées pour l’exposition dans le contexte d’un stand, comme des installations film ou vidéo, des peintures murales, des sculptures monumentales ou des performances. Ainsi, ne soyez donc pas désarçonnés en passant devant le « Free Store » (2009-2013) de Jonathan Horowitz (à l’extérieur) ou si vous croisez pendant votre visite le coureur de Martin Creed (« Work No. 570 », 2006). Le comité de sélection de la foire – composé de galeristes dont Eva Presenhuber, de la galerie homonyme basée à Zürich – choisit les projets avec le curateur, Gianni Jetzer depuis 2012 – également directeur du Swiss Institute de New York jusqu’à cette année –, qui, lui, conçoit le parcours par contrastes entre ces positions fortement individualisées, au contraire des affinités qui dictent généralement les expositions collectives en institutions de type muséal. Cette année ce sont quelque 80 pièces qui occupent la nouvelle Halle 1, un record dans l’histoire d’Unlimited – section lancée en 2000 par le curateur basé à Genève Simon Lamunière.
Si, à Unlimited, on y enjambe le temps sans foi ni loi et avec bonheur – des pièces historiques côtoyant de nouvelles créations –, on assiste aussi et surtout à un véritable cross over géographique et culturel. Enfin, comme s’il était encore nécessaire de démontrer que l’art contemporain se joue aujourd’hui sur une scène globale… La réflexion sur les différences culturelles et leur dépassement est d’ailleurs au cœur de plusieurs œuvres, dont le ballon multicolore de Meschac Gaba intitulé « Citoyen de monde » (2013) et qui fait crépiter de nombreux flashs cette année ou « The Repair » (2012) de l’artiste français Kader Attia qui s’inscrit dans la continuité de son installation à la Documenta 2012 à Cassel. Attention ici, âmes sensibles s’abstenir : l’artiste jette des ponts entre les continents et les cultures, en juxtaposant des photographies de soldats blessés lors de la Première Guerre mondiale et qui ont subi les premières expériences chirurgicales avec des représentations de groupes ethniques africains qui pratiquent transformations et déformations du corps comme symboles d’appartenance et de tradition.
« In Silence » (2002/2013) de Chiharu ShiotaUne amie me disait qu’elle trouvait cette édition d’Art Basel particulièrement « conservatrice » et The Art Newspaper titrait mercredi « Importance of being abstract ». Art Unlimited reflètent cette tendance dans le domaine de la peinture notamment, avec les toiles de Sean Scully et de Günther Förg en particulier, mais également avec le deux œuvres monumentales de Matt Connors, réalisées expressément pour l’occasion. Dans le cadre du Salon – sorte de plateforme de discussions informelles sur des thèmes aussi divers que le marché de l’art, le commissariat d’expositions ou des présentations d’artistes –, l’artiste américain Matt Connors expliquait que l’invitation qui lui a été faite de réaliser son projet a été l’occasion d’expérimenter la théâtralisation de son art, en réalisant dans des dimensions monumentales des travaux précédemment réalisés à une échelle plus modeste. C’était également pour lui une forme de jeu participatif, les murs porteurs composant sa pièce étant réalisés par l’équipe technique de la foire. « Demonstration (red and blue) » est donc conçue, comme la grande majeure partie des travaux de la section, expressément pour les espaces de Art Unlimited.
« Speed Limit » (2013) de François CurletGianni Jetzer parle pour son parcours d’un parc des sculptures central, je serais plutôt tentée de parler d’un parc des architectures, où se rejoignent de véritables constructions architecturales – comme celles de de Aaron Cerry ou de l’Atelier van Lieshout par exemple – et des sculptures monumentales – celle de l’américain Oscar Tuazon en particulier, mais également la réalisation à grande échelle d’une maquette de l’artiste brésilienne Lygia Clark. D’ailleurs, en parlant d’architecture, n’hésitez surtout pas à passer la porte de l’armoire de Jonah Freeman & Justin Lowe pour vous immerger dans un monde atemporel, tout à la fois futuriste et ancré dans le présent avec des références concrètes au passé – coupures de journaux, pochettes de disques, objets vintage !
Pour finir, je vous laisse avec les coups de cœur de JSBG, que nous n’avons pas réussi à départager : « Enough Tyranny » (1972) de Marc Camille Chaimowicz , « Speed Limit » (2013) et la magnifique Jaguar E-Type customisée en corbillard de François Curlet, « In Silence » (2002/2013) de Chiharu Shiota et « Ao » (1981) de Tunga.
- Carole Haensler Huguet
INFOS PRATIQUES:
Art Unlimited
du 13 au 16 juin 2013
Lieu: Art Basel Hall 1
Horaires : de jeudi 13 juin à dimanche 16 juin, de 11 heures à 19 heures
« Enough Tyranny » (1972) de Marc Camille Chaimowicz « Ao » (1981) de Tunga