Convaincre un gouvernement islamique conservateur de mettre en place des programmes VIH qui abordent ouvertement consommation de drogues injectables n’était pas chose aisée. Cet article, publié dans l’édition spéciale du Lancet, consacrée au VIH, décrit comment Adeeba Kamarulzaman, doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Malaisie, spécialiste du SIDA, a, dès 2005, avec d’autres experts, incité le gouvernement malaisien à lutter contre l’épidémie de VIH chez les usagers de drogue.
Au début de l’épidémie de VIH, la plupart des pays musulmans pouvaient considérer le VIH comme une maladie associée à la liberté sexuelle, l’homosexualité, la drogue et à l’alcool, des comportements interdits par l’Islam. Si le respect des croyances islamiques a contribué à protéger ces pays du risque d’infection par le VIH, la prévention y est aujourd’hui nécessaire, comme partout dans le monde. L’action d’un expert du VIH, en Malaisie, décrite par cet article du Lancet, met en avant les avancées comme les difficultés de la mise en place de tels programmes, dans un pays musulman, la Malaisie. Un pays que le Dr Kamarulzaman avait quitté pour faire ses études de médecine, en se spécialisant dans les maladies infectieuses à l’Université Monash de Melbourne (Australie). En rentrant en Malaisie en 2005, le Dr Kamarulzaman s’est rendue compte qu’il n’existait pas de programme ciblé sur les toxicomanes.
Au cœur du « combat », la question du partage de seringues infectées, l’une des principales sources d’infection à VIH. Aujourd’hui et depuis 2011, ces programmes d’échange de seringues existent bel et bien. Mettre en place un accès aux traitements de substitution par méthadone était alors plus simple -car il s’agit d’un traitement- que de proposer l’échange de seringues.
Même les anciens toxicomanes étaient contre l’échange de seringues, écrit-elle.
Mais un membre du gouvernement, aujourd’hui Premier ministre, « comprit ce qu’il fallait faire« : Les dirigeants islamiques ont également appuyé le programme d’échange de seringues car le programme était axé sur la préservation de la vie. Ce programme fonctionne aujourd’hui sur 17 sites et reçoit chaque année, près de 25.000 usagers de drogues injectables.
La lutte contre le VIH est à moitié gagnée, cependant : Les usagers de drogues injectables craignent que l’accès à des seringues propres ou à la méthadone puise aussi les conduire en prison. Car les lois sur les drogues en Malaisie font obstacle à l’accès au traitement du VIH. En prison, le VIH et la tuberculose ne sont pas traités, et l’échange de seringues est interdit. Conséquence, l’épidémie de VIH en Malaisie continue de croître, les femmes étant parmi les principales victimes de l’infection (21% des nouvelles infections) et chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).
Encourager ces groupes de population au dépistage, pallier à l’absence d’éducation sexuelle restent des programmes encore inenvisageables, écrit l’auteur, pour les décideurs politiques qui craignent, aussi, une réaction critique de l’opinion publique.
Source: The Lancet 15 June 2013 doi:10.1016/S0140-6736(13)61231-3 Adeeba Kamarulzaman: fighting HIV/AIDS in Malaysia (Visuel@ @IAS/Francesca Da Ros)
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