Cela paraît incroyable : la radio et la télévision publiques d’un pays européen qui interrompent d’un coup, après une annonce le jour même, leurs émissions et qui ferment leurs antennes.
En France, nous avons déjà vu des chaînes disparaître : des chaînes du câble, mais aussi la chaîne à grands spectacle que fut La 5. Mais ce n’étaient pas des chaînes publiques.
À dire vrai, les Grecs ont dû être un peu moins surpris que nous. Depuis plus d’un an, les programmes de l’ERT avaient changé de nature. Une amie grecque, Ioanna Vovou, qui travaille dans mon centre de recherche, le CEISME, m’avait déjà alerté sur le fait que les rediffusions proliféraient, que les grilles étaient bouleversées et que, plus grave, les responsables n’hésitaient pas à recourir à des archives par mesure d’économie.
Ne pas prendre à la légère les problèmes de France télé
La semaine dernière, je m’interrogeai ici même sur la meilleure façon de sauver France Télévisions et je rejetais la solution du "plus de pub" en militant pour une petite augmentation de la redevance. Cette position, comme je m’y attendais, a suscité des protestations, des réactions offusquées. On me parla même des privilèges dont je bénéficiais comme journaliste, moi qui suis professeur d’université… Certains me lancèrent même qu’ils ne regardaient pas la télévision et qu’ils ne voyaient donc pas pourquoi payer pour des programmes.
La suspension, je l’espère provisoire, de l’ERT devrait interroger tous ceux qui prennent à la légère les difficultés de l’audiovisuel public. Si, depuis toujours, des voix s’élèvent pour "couper le cordon" ombilical qui lie la télévision publique au pouvoir, imagine-t-on ce que produit l’absence de lien entre les gouvernants et l’information ? Ce n’est plus la propagande que l’on risque, mais une conduite de l’État totalement autarcique, qui ne se soucie même plus de communiquer ses décisions aux citoyens.
On a souvent moqué la télévision à ses débuts en l’appelant "le spectacle du pauvre". Aujourd’hui encore, les intellectuels traitent ce média avec mépris. Et si, effectivement, la télévision restait la seule distraction pour un peuple qui a été saigné successivement par ses gouvernements et par l’Europe ?
Faudrait-il encore la considérer avec dédain ? Oui, la télévision publique est aussi là pour apporter de la distraction à des gens qui ne peuvent plus sortir de chez eux qui, vraisemblablement, économisent les sorties culturelles ou non. Leur fallait-il encore un peu plus d’austérité ? Ou les punir de je ne sais quelle faute ?
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