Avant la Conférence sociale des 20 et 21 juin prochains, la présidente de la Commission des retraites, Yannick Moreau, a rendu vendredi 14 juin son rapport préconisant des pistes de réforme des retraites. Pour combler un déficit de l’ensemble des régimes de retraites estimé à 20 milliards d’euros en 2020, le rapport de la Commission d’experts propose de faire au total 7 milliards d’économies. Il suggère de répartir l’effort soit à parts égales entre actifs et retraités, soit à hauteur de 2/3 pour les actifs et 1/3 pour les retraités. Augmentation de la durée de cotisation, retraités sollicités, cotisations sociales à la hausse, réforme du mode de calcul des retraites des fonctionnaires… Les pistes de réformes sur lesquelles devra plancher le gouvernement sont les suivantes :
- Une durée de cotisation portée progressivement à 44 ans
Le rapport Moreau suggère d’augmenter « rapidement » la durée de cotisation à 43 ans pour la génération née en 1962, puis à 44 ans pour les personnes nées en 1966, contre une durée de 41,5 ans actuellement. Ce dispositif, qui relève d’une première hypothèse, procurerait un gain de 600 millions d’euros en 2020 pour le régime général. Une seconde hypothèse consiste à adopter un rythme « moins rapide », en allongeant la durée de cotisation d’un trimestre toutes les deux générations jusqu’à la porter à 42,25 ans pour les générations nées en 1961 et 1962. Ce dispositif procurerait 200 millions d’euros en 2020.
En revanche, la Commission juge « peu opportun » de reculer encore les bornes d’âge. Elles ont déjà été déplacées en 2010, de 60 à 62 ans pour l’âge légal de départ et de 65 à 67 ans pour le taux plein. Mais elle innove aussi en proposant de modifier « l’indexation des salaires portés au compte », pour les futures pensions. Elle veut diminuer légèrement le montant des salaires des actifs qui compteront pour la retraite, d’un montant de 1,2 point pendant les années 2014 à 2016.
- Les retraités mis à contribution
Le rapport propose de mettre à contribution les retraités en alignant le taux de CSG, qui est de 6,6%, sur celui des actifs à 7,5%. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) permettrait un gain « pérenne estimé à 2 milliards d’euros à l’horizon 2020″. La Commission suggère également de baisser l’abattement fiscal de 10% dont ils bénéficient comme les actifs au titre des frais professionnels en le portant à 7, 5 ou 3%. Pour les pensions des retraités actuels, le rapport prévoit également « une sous-indexation exceptionnelle à titre transitoire » à l’image de ce qui a été fait pour les retraites complémentaires : désindexation de 1 point (de moins que l’inflation) en 2014 et 2015 pour les pensions soumises à la CSG, ou bien de 0,5 à 1,2 point, ou une sous-indexation pour l’ensemble des retraités. Mais il recommande d’épargner les petites retraites.
Pour les majorations de pensions (10%) accordées aux ménages ayant élevé trois enfants ou plus, il est suggéré de les fiscaliser. Les différentes hypothèses de révision des mesures fiscales – abattement, avantages familiaux – proposées dans ce rapport rapporteraient entre 500 millions et jusqu’à 2,7 milliards d’euros.
- Une augmentation de 0,1 point des cotisations
Le rapport préconise d’augmenter les cotisations d’assurance-vieillesse de 0,1 point par an pendant 4 ans au-delà d’un certain plafond de salaire. Cette hausse serait répartie à parts égales entre salariés et employeurs et produirait un gain de 2,6 milliards d’euros, selon le rapport.
- Une réforme du mode de calcul des retraites des fonctionnaires
Il propose également de modifier le mode de calcul des retraites des fonctionnaires « en le faisant progressivement reposer sur une période plus longue que six mois » et en intégrant une partie des primes. Sans trancher sur une nouvelle durée, le rapport élabore plusieurs scénarios avec un calcul fondé sur « une durée de référence variant de 3 à 10 ans, compensée par l’intégration d’une partie des primes ». La Commission des retraites qui a rédigé ce rapport estime que « la règle actuelle nuit à la lisibilité du système de retraites et isole fortement les régimes de la fonction publique ».
Elle insiste sur le fait que la mesure qui monterait progressivement en puissance « après une durée de référence d’un an la première année », n’a « ni pour objet, ni pour effet un gain budgétaire ». Elle précise aussi que « la mesure envisagée peut prendre des modalités techniques diverses, en fonction de la période retenue et de la part des primes considérée », et signale qu’il faudra un « traitement particulier » pour les agents « ne percevant pas ou peu de primes ». Dans le cas d’un allongement de la durée de référence aux 10 dernières années, le rapport évalue la perte de pension à 3,6% en moyenne pour les agents, sans compter les primes. Mais, souligne le document, « avec une intégration des primes dans la limite de 5% du traitement, cette perte serait plus que compensée ».
- La pénibilité prise en compte
Le rapport propose de créer un « compte individuel pénibilité » pour aménager les carrières des personnes exposées à des conditions de travail pénibles et, « en dernier recours », permettre « le rachat de trimestres » afin de partir plus tôt à la retraite. A moyen et long terme, ce compte offrirait la possibilité aux « actifs exposés aux facteurs de pénibilité listés dans le code du travail depuis la loi de 2010 d’acquérir des droits, convertibles d’abord en temps de formation rémunérés, ensuite en périodes de temps partiel compensées financièrement et en dernier recours en rachat de trimestres pour la retraite ».
Objectifs: « inciter fortement, et dès le milieu de la carrière, à la reconversion des personnes exposées à des facteurs de pénibilité » et « favoriser leur maintien dans l’emploi par l’aménagement de fins de carrières ». Par exemple, 10 trimestres d’exposition à des facteurs de pénibilité déclencheraient le droit à un trimestre de congé formation. Et 30 trimestres d’exposition permettraient le rachat d’un trimestre au titre de la retraite.
A plus court terme, pour prendre en compte la pénibilité, le rapport Moreau suggère deux pistes. La première : « un dispositif compensant les expositions passées à certains facteurs de pénibilité », tels que « travail de nuit et produits cancérigènes », en donnant « droit à des majorations de trimestres pour la retraite ». Deuxième possibilité : une « négociation de branche [professionnelle] fixant les critères de pénibilité » et « les avantages accordés au regard de la retraite ».
- Un avenir « plus dégagé » à partir de 2035
Le rapport note que les 25 années à venir s’annoncent difficiles pour financer les retraites, mais l’avenir sera ensuite « plus dégagé » pour les jeunes générations en raison des évolutions démographiques. »Pendant 25 ans encore, les départs nombreux à la retraite des générations du baby-boom et l’allongement de l’espérance de vie conduisent à une baisse rapide du ratio démographique [le rapport entre les 20-59 ans et les plus de 60 ans, NDLR]. Au-delà, l’avenir est plus dégagé », relève la synthèse du rapport.
Entre la fin des années 1940 et le début des années 1970, le nombre de naissances s’est en effet situé entre 800.000 et 900.000 par an : ce sont ces générations, nombreuses, qui partent à la retraite entre 2000 et 2035. En outre, l’allongement de l’espérance de vie se poursuit : entre 1994 et 2009, elle est passée de 73,6 à 77,7 ans pour les hommes et de 81,8 ans à 84,4 ans pour les femmes, est-il rappelé. Ces deux effets conjugués rendent l’équilibre financier complexe mais la situation sera « plus stable » après 2035, estime la commission.
(Source Le Nouvel Obs)
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