Chassé croisé amoureux
Un dandy rentre chez lui en pleine nuit. On comprend qu’il est supposé se rendre à un duel le lendemain matin, mais que lâche par nature, il compte déserter ses responsabilités. On va comprendre encore qu’il est coutumier du fait. Sur le point de quitter son domicile, il reçoit une lettre d’une inconnue, enfin croit-on. Celle-ci lui révèle que depuis son adolescence, elle n’a eu d’yeux que pour lui et que malgré son indifférence, elle n’a cessé de lui être dévoué et d’attendre son amour en retour.Adapté du roman éponyme de Stefan Zweig, ce récit décrit de manière éprouvante une vision de l’amour tout à fait singulière. C’est un amour à sens unique, sans partage et subie par une femme ayant passé à idéaliser un beau salaud. Elle fait le sacrifice de sa vie pour un coup de foudre sans retour. Elle croisera même trois fois le dandy dans sa vie, celui-ci ne la reconnaîtra pas, elle redémarre de zéro à chaque fois. « Nous nous sommes vus quelque part » sonne à chaque reprise le glas ; tellement gentil, séducteur et indifférent.Reconnu pour être un des plus beaux films de Max Ophuls, il s’agit là de son 2ème film américain. Dans ce film, il démontre tout son talent de metteur en scène. Sa caméra se promène dans les couloirs des maisons, remonte les escaliers, longe les quais de gare, virevolte autour d’une pléiade de personnages passant dans le cadre… Avec les techniques de l’époque, c’est une prouesse ; Kubrick revendiquera l’inspiration que lui apporta ce grand réalisateur. Dans cette veine, retenez le superbe fondu entre le plan de Lisa s'éloignant de dos hors de la gare (où elle vient de quitter Stefan) et celui de la religieuse s'avançant face à la caméra vers le lit d'où Lisa a accouché.Et puis il y a le couple Joan Fontaine-Louis Jourdan et toute l’émotion qu’il véhicule. Joan Fontaine est formidable en femme amoureuse pleine de délicatesse et de mélancolie. Son amour de jeunesse la tient toute sa vie ; çà pourrait paraître mièvre, mais porté par elle, çà passe très bien. L'actrice révèle une incroyable palette d'émotions qu'elle parvient aisément à nous transmettre par l'intonation de sa voix, l'expression de son visage. On ressent son désarroi.Un grand classique méconnu…Sorti en 1948