Dans les coulisses de notre univers multidimensionnel, dans ce que les auteurs de science-fiction se plaisent à nommer l’hyperespace, voyageraient, rôderaient une multitude d’êtres que nos sens ne peuvent percevoir, sauf en de rares occasions[1]. Pour prendre un raccourci, Jacob, situons-les quelque part entre l’homme et Dieu.
On y retrouve des alliés, des gardiens bienfaisants, mais aussi des bourreaux et des trompeurs. Plusieurs influent sur le destin de la Terre, sur notre histoire. Lorsque tu lis les textes sacrés, lorsque tu étudies les diverses traditions religieuses, demande-toi, toujours : Qui parlaient ? Qui transmettaient ces messages[2] ? Certains veulent conserver leur cheptel – nous. D’autres souhaitent contrecarrer le plan de la Providence. D’autres veulent nous libérer de cette prison, de ce parc d’élevage, et nous faire prendre conscience de notre vraie nature comme personnes humaines, afin que l’histoire de notre planète réintègre le grand dessein cosmique.
Ces êtres ne sont pas des dieux, à peine des demi-dieux, même si certains se sont fait adorer et ont fondé des religions. Ils nous ont abusés et nous abusent encore par leurs prouesses techniques[3].
Les diverses religions du globe sont des champs clos. S’y côtoient et s’y affrontent ceux qui voudraient nous libérer de l’ignorance et des illusions qui nous confinent au désespoir, et ceux qui ont intérêt et plaisir à nous garder en sujétion par la culpabilité et la peur. C’est pourquoi les textes sacrés recèlent, côte à côte, hautes inspirations morales et abominations, appels à l’amour et appels au meurtre[4]. C’est pourquoi les plus exaltantes idéologies conduisent à des holocaustes et les entreprises les plus criminelles donnent parfois des fruits d’une qualité étonnante. Les trompeurs se sont efforcés de nous fournir en révélations de leur cru ou à immiscer leur venin mensonger dans les révélations que leurs semblables, favorables à l’humanité, nous avaient confiées.
Ces êtres connaissent intimement l’humain. Ils savent le manipuler. Ils jouent avec brio sur les ressorts de son animalité originelle : instincts et peurs. Esthètes et créateurs maudits, si la Terre semble un bordel, ils en sont grandement responsables, tout comme ils sont responsables de la manière dont les grandes religions ont souvent abusé, à des fins de domination et de lucre, de cette soif de sacré inhérente aux humains.
Comment s’y retrouver dans ce fatras de propagandes et de manipulations ? Comment séparer l’ivraie du bon grain ? Comment en arriver à mener une vie qui serait vraiment humaine ? C’est-à-dire en tension vers son propre parachèvement et en tension vers Dieu, l’unique, et non pas assujetti à la mascarade des faux dieux qui le singent ?Les siècles ont soulevé cette question et tenté d’y répondre — les éthiques abondent. Et les plus sages s’y sont souvent brisé les dents. L’important, ce ne sont pas les réussites ou les échecs, mais le fait que l’humanité ait essayé sans cesse.
(Propos pour Jacob, Éd. de la Grenouille Bleue)
[1] Les phénomènes insolites relèvent parfois de ces rares occasions.
[2] Qui parlait avec Moïse sur le mont Sinaï ?
[3] Peut-être aurions-nous dû demeurer inconscients, donc innocents, un temps plus long : le temps de notre développement physiologique et moral. Par leurs manipulations hétérodoxes, des créateurs rebelles ont peut-être accordé trop hâtivement liberté et conscience éthique à des embryons d’êtres, qui baignaient encore dans les nécessités par trop contraignantes, pour des êtres moraux, de l’animalité – nécessité de tuer constamment pour survivre. Ce serait là la faute originelle, où nous n’avons eu aucune part. Peut-être auraient-ils dû attendre que, tout comme les plantes, l’évolution nous ait dotés d’organes permettant la captation directe des énergies, solaire ou autres, nécessaires à la vie, sans avoir besoin de recourir au meurtre, à la destruction d’animaux ou de plantes ? L’impatience plus que l’orgueil aurait été le péché des anges déchus ?
[4] Les démons, ce sont ces voix parfois contradictoires, parfois belliqueuses, parfois aimantes que l’on retrouve tout au long de l’Ancien Testament. Cris, accents et suggestions qui se mêlent aux révélations véridiques de l’amour et du rehaussement de soi. (A. Gagnon, Le Bal des dieux)