Cette semaine, j'ai choisi deux films au thème universel (du moins, selon moi) : le mal-être adolescent. Qui en effet n'a jamais vu, vécu, été témoin, écrit ou lu à ce sujet ? Encore à l'honneur dernièrement avec Le monde de Charlie, le sujet semble intarissable. Si The Bling Ring aborde l'obsession d'une génération pour la richesse et la célébrité, Blackbird se concentre, lui, davantage sur le poids de la différence.
Outre ces contextes hétérogènes, l'intérêt ici est que ma sélection confronte une réalisatrice (Sofia Coppola) dont le mal-être est précisément un thème de prédilection à un réalisateur (Jason Buxton) qui signe, lui, son premier long-métrage sur le sujet. Vous l'aurez donc compris, mon ring cinématographique oppose une (quasi) spécialiste à un (quasi) novice et, également, un regard féminin à un regard masculin. Selon vous, Sofia Coppola a t-elle conforté sa mainmise en la matière ou a t-elle été détrônée par Jason Buxton ?
- The Bling Ring (Sofia Coppola)
L'adaptation futile d'un fait divers – le cambriolage de plusieurs maisons de célébrités par un groupe d'ados – survenu entre 2008 et 2009 à Los Angeles. Un (presque) documentaire qui prétend explorer les tourments d'une génération obsédée par le star-system mais qui se révèle n'être qu'une avalanche frivole de marques. Étonnamment nerveux – Sofia Coppola nous a habitués à plus placide –The Bling Ring souffre à la fois de l'indécision de sa réalisatrice, qui semble tiraillée entre mépris et fascination pour cette frénésie matérialiste et consumériste, et de la redondance (absence ?) de scénario qui, excepté les premières et dernières minutes du film, n'est qu'une suite de cambriolages et de fêtes – j'ai même trouvé le temps long ce qui est quelque peu embarrassant pour un film qui ne dure qu'1h30. En outre, la bande originale (dont le très remarqué Crown on the ground des Sleigh Bells) semble avoir été plus fouillée que les personnages – c'est dire – dont on ignore finalement les motivations ou encore le passé. C'est d'autant plus regrettable que le casting s'avère convaincant (mention spéciale pour Katie Chang en leader incandescente)... En résumé, un film aussi creux que les protagonistes qu'il met en scène et qui rappelle que Sofia Coppola saisit davantage le spleen que la vacuité des adolescents.En deux mots : stérile et long.Le petit plus : le clin d'œil de Sofia Coppola à sa propre filmographie avec l'apparition furtive mais toujours bienvenue de Kirsten Dunst (que, vous l'aurez deviné, je vénère) dans son propre rôle. L'actrice semble en effet être, sinon la muse de la réalisatrice, du moins son sceau officiel (révélée dans Virgin Suicides, elle tient également le rôle titre dans Marie-Antoinette).N'hésitez pas si :
- vous êtes un ou une fashionista (le déferlement de vêtements, bijoux et autres accessoires devraient retenir votre attention) ;
- vous désirez voir les moindres recoins de la maison de Paris Hilton (cette dernière a en effet accepté que Sofia Coppola tourne chez elle) ;
- vous attendez une analyse des nouvelles aspirations des adolescents (il n'y a aucune réflexion) ;
- les scénarios redondants vous agacent (au bout du 3ème cambriolage j'ai envie de dire qu'on a compris l'idée...) ;
- vous détestez les émissions de type La famille Kardashian, Hollywood Girls etc (on y retrouve la même vacuité) ;
- Blackbird (Jason Buxton) Un drame psychologique captivant qui retrace l'âpre descente aux enfers d'un bouc émissaire (Sean) suspecté d'avoir planifié une vendetta (le massacre de ses camarades). Un plaidoyer cruel qui mêle donc intelligemment un thème universel – le mal être des adolescents et ici plus spécifiquement d'un gothique – et un sujet éminemment contemporain – la paranoïa mondiale post-Columbine. Bien que les thèmes tels que la crainte de l'autre, l'acceptation de la différence ou encore la solitude aient déjà été maintes fois rebattus, Blackbird a le mérite d'y ajouter un éclairage inédit : celui de l'impitoyable machine judiciaire. Le spectateur suit en effet le parcours tortueux de Sean, brillamment interprété par Connor Jessup (une révélation !), entre empathie et tension. Tout au long du film, Jason Buxton nous interroge : qu'est-ce qui distingue un acte artistique (un défouloir) d'un acte de préméditation ? Il insiste également sur les conséquences d'une confusion paranoïaque : une victime (Sean) devient coupable et ses bourreaux, victimes. Malheureusement, le réalisateur se contente de susciter l'indignation là où il m'aurait semblé possible d'atteindre l'atrocité. Enfin, l'épilogue quelque peu abrupt en frustrera sans doute plus d'un. En résumé, un premier film lucide et sensible qui explore les conséquences de l'erreur judiciaire avec clairvoyance et un réalisateur à suivre ! En deux mots : révoltant et pertinent.Le petit plus : Blackbird est le premier long-métrage de Jason Buxton qui, jusqu'ici s'était limité à la collaboration (avec James Cameron notamment) ou à la réalisation de courts métrages. Fait notable, il a repéré l'acteur principal (Connor Jessup) à l'aube du projet. Ce dernier n'avait alors que douze ans. Jason Buxton a ensuite laissé mûrir Blackbird pendant quatre ans avant de se lancer dans le tournage.
N'hésitez pas si :
- vous aimez les drames judiciaires ;
- le malaise adolescent vous intéresse ;
- vous aimez les films qui soignent l'interprétation (avec Connor Jessup en chef de file, le casting est d'une justesse incroyable) ;
- vous recherchez de l'adrénaline (c'est un drame psychologique) ;
- la mécanique implacable de la justice ne suscite ni intérêt ni curiosité chez vous ;
- vous avez horreur des fins abruptes ;