Ces derniers jours, une commission parlementaire auditionne les protagonistes de l'affaire Cahuzac.
Les médias officiels ont bien entendu largement relaté cet événement, probablement pour faire oublier combien ils avaient été timides, voire complices des mensonges de Cahuzac, quand Médiapart leva le lièvre.
Par contre, ils n'ont guère été prolixes sur le cas très très particulier de l'ancien inspecteur des impôts, aujourd'hui retraité, Rémy Garnier.
En effet, hormis Médiapart et L'Humanité, ils ne se sont pas privés de trainer dans la boue ce "petit" fonctionnaire, comme ils le qualifient avec mépris, avant que l'ancien ministre du budget ne fasse publiquement ses aveux.
Voyons les faits :
En 1999, Rémy Garnier recommande le redressement fiscal de la coopérative France-Prune fondée par le père de Laurence Parisot, l'actuelle présidente du MEDEF. Le député local, un certain Jérôme Cahuzac s'empare du dossier. Quelques mois plus tard, Christian Sautter, secrétaire d'État au Budget et membre du PS, annule la procédure dans des conditions obscures ! Une annulation que la justice qualifiera implicitement d'illégale.
En 2001, son administration lui enjoint de mener une nouvelle vérification fiscale avant de lui retirer le dossier sur la base d'allégations mensongères de l'avocat de ladite coopérative. Il échappe de peu à la révocation grâce à la mobilisation exemplaire de ses collègues et des organisations syndicales : manifestations, grèves, pétition nationale.
A compter de ce jour, ce fonctionnaire modèle devient un paria. En 2003, il aggrave son cas dans le cadre de son travail en recroisant la route de Jérôme Cahuzac. Ce dernier aurait dit en 2004, appréciez la sensibilité sociale de cet ancien haut dirigeant du PS :
« Un fonctionnaire, ça se mute ; un fonctionnaire ça se casse ! »
Rémy Garnier subira bien plus !
Sa hiérarchie s'acharne inlassablement sur lui à coups de sanctions abusives, officielles ou déguisées : exclusion temporaire de deux ans dont un an ferme sans rémunération, mutation d'office à deux reprises, notations indignes, violation des droits de la défense, placardisation et isolement, et bien entendu, contrôle fiscal de trois ans ! Évidemment, la rémunération et l'évolution de carrière de Rémy Garnier en pâtissent, et par conséquent sa pension de retraite !
En l'espèce, il y a eu indéniablement la volonté de briser un homme. Voici ce qu'en dit l'intéressé dans son mémoire en réplique du 28 janvier 2013 :
« au moment des faits je suis à l’isolement dans un« placard », sans formation ni information, sans instructions,dépourvu de moyens matériels et juridiques, sans axes de recherches et en sous activité forcée. Je dois supporter cette situation dans un contexte d’acharnement répressif inimaginable, sur tous les fronts, disciplinaire, pénal et fiscal. »
Cet agent a subi 10 années de galère et de procédure : 10 jugements administratifs, deux décisions de la Cour de cassation et un arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme ont lavé son honneur. Pour autant, il paie encore l'acharnement de l'administration puisqu'il n'a pas été rétabli dans tous ses droits. Qu'attendent donc Hollande, Ayrault et Moscovici pour réhabiliter Rémy Garnier ?
La double alternance politique en 2002 et en 2012 n'a produit aucun changement de "management". De Sautter qui a pris la décision précitée à Woerth, en passant par Sarkozy qui l'a révoqué deux ans, et sans oublier tous les hauts fonctionnaires (l'élite...) et la hiérarchie intermédiaire qui ont participé à cet acharnement, aucun n'a été sanctionné. Ni responsable ni coupable...
Aussi, l'administration, dirigée alternativement par des ministres du PS et de l'UMP, n'a eu de cesse de protéger les intérêts de l'oligarchie en harcelant cet agent public pour l'empêcher d'exercer ses missions et le punir, en l'occurrence le contrôle fiscal, ce qui, dans le contexte actuel, ne manque pas de sel !
Woerth, Tapie, Cahuzac, Bettencourt, Guéant, Guérini, Andrieux, Tabarot... La liste n'est pas exhaustive. Et, au-delà des affaires très médiatisées, combien de salariés et de fonctionnaires sont victimes d'un tel l'acharnement hiérarchique ? Combien ont plié ? Combien sont brisés ? Combien résistent encore dans l'indifférence médiatique ?
Toutes ces "affaires" révèlent les dysfonctionnements récurrents de la Cinquième République.
Vive la République exemplaire !