Si l'on y regarde bien attentivement, très peu de films arrivent, au bout du compte, à changer les mentalités ou changer ne serait ce qu'une personne après un film, et ce malgré les intentions du départ du cinéaste.
Mais parfois, très rarement, il arrive qu'une oeuvre cinématographique, un peu sortie de nulle part, parvienne à faire basculer la destinée d'un individu, lui faisant passer de l'anonymat au rang de gloire internationale (un peu l'inverse des enfants du cinéma dont je vous ai parlé hier)
Sorti en France sans tambour ni trompette, à la dernière semaine de l'année dernière, , le documentaire « Searching for Sugar Man », qui est sorti en DVD le 23 mai, a réuni près de 200 000 spectateurs ( énorme pour un documentaire) grâce à son Oscar du meilleur documentaire,et grâce également à un bouche-à-oreille efficace et parfaitement mérité.
Et ce film dont je vous ai déjà parlé ici même ,et que j'ai vu en DVD quelques semaines avant sa sortie (merci au distributeur ARP pour l'envoi du dvd test) fait assurément partie de ces oeuvres cinématographiques qui ont bouleversé la destinée d'un homme.
Le documentaire de Malik Bendjelloul, jeune cinéaste suédois inconnu lui aussi, a choisi en effet de cibler l'objet de son premier film autour d'un artiste resté injustement méconnu durant 30 ans, et dont le film consacrée à sa vie et à sa carrière lui a fait soudain accéder à une notoriété planétaire fulgurante.
Car avant que Bendjelloul ne le remette en pleine lumière, personne aux USA ou en Europe n'avait entendu parler de ce Sixto Rodriguez, un auteur compositeur américain, d'origine portoricaine n dont le style peut faire penser, comme il est mentionné dans le film, à Bob Dylan, et qui survit modestement par des petits boulots dans le bâtiment.
Cependant, les deux disques qu'il a enregistré, et notamment le premier Cold Fact, sorti en 1971, firent fureur dans un pays du globe, l' Afrique du Sud, mais à cause du régime de de l’apartheid qui isolait alors le pays pendant encore de très longues années, sa notoriété locale ne dépassa jamais le continent, d'autant plus que, sans qu'on sache vraiment pourquoi, les Sud africains étaient persuadés que le chanteur s'était donné la mort sur scène, à cause d'une rumeur malveillante comme il en existe souvent dans le milieu du show bizz.
Heureusement, à la fin des années 1990, Deux fans sud Africains, dont un journaliste, ont réussi à retrouver sa trace et lui organiser, à la grande surprise de l'interessé , une tournée triomphale à celui qui était une idole de tout un pays, ce que le principal intéressé ignorait totalement.
Une histoire aussi folle et merveilleuse, on se dit que même Hollywood n'aurait pas osé l'inventer. Et d'ailleurs, tout le talent du réalisateur est d'avoir réussi à broder autour de ce scénario génial un documentaire mis en scène autour de ce mystère, avec toute une première partie qui nous laisse à penser que ce Sixto Rodriguez a bel et bien disparu. Le film est concu comme en une véritable enquête policière lorsque ces deux afrikaneers se lancent sur sa trace, et l'apparition de Sugar man à la moitié du film (je peux spoiler, tout le monde maintenant est au courant) est un climax absolument sensationnel, comme peu de longs métrages nous en ont réservé dernièrement.
Si ce documentaire occupe vraiment une place à part dans l'histoire des documentaires, c'est que tout dans ce film atteint l'excellence, et que le film possède surtout deux atouts absolument à part : les morceaux de Sixto Rodriguez, avec des textes qui ont une visée sociale et parlent de détresse urbaine, d'une façon assez fulgurante, ainsi que ce personnage lui même, assez fascinant par son niveau d'intégrité, tant pour lui, l'argent et la gloire sont des notions qui lui semblent être étrangères.
Enfin devrais- je dire, " qui lui semblaient être étrangères jusqu'il y a peu", car et c'est là que sa destinée est incroyable, surfant sur le succès du film, Sugar Man a abandonné ses batiments pour silloner le globe en faisant une tournée triomphale à travers le monde entier.
Personnellement, lorsque j'ai entendu la chanson Sugar Man lors de la sortie du film ( sur une compil des Inrockuptibles éditée en même temps que la sorties salles du film), cette chanson me disait sérieusement quelque chose.
J'ai appris en faisant quelques recherches après coup qu'elle faisait partie du générique de fin du très beau film "Alyah" que j'avais adoré . A l'époque, je ne savais évidemment pas la destinée de l'interprete et à quel point c'était un génie méconnu, et totalement désinteressé.
Depuis, l'artiste s'est donc lancé dans une folle tournée sans doute un peu trop démesurée pour son âge et son inactivité pendant 40 ans. Visiblement, d'après les dires, son passage la semaine dernière au Zénith a été un vrai fiasco, l'artiste chantant constamment faux et à contre temps. Sur l'immense scène du Zénith, est apparu un Sixto Rodriguez quasi aveugle, cherchant le micro de sa main, affaibli et incapable d’enchainer le moindre accord sur sa guitare qui semblait l’encombrer.
Alors certes, le conte à la Hollywwod peut connaitre quelques ratés, mais il n'empêche : ce Sugar Man reste un homme hors du commun qui a réussi à se faire connaitre du monde entier, grâce au pouvoir magique du 7ème art.