Il faut absolument que je pense à changer de lieu…
Le café-restaurant, dans lequel je me rends, chaque jour, aux environs de midi, devient de plus en plus bruyant, et ELLE ne vient plus.
Peu m’importe alors d’observer tous ces gens, leurs assiettes, leurs tasses fumantes, leurs sacs qui bâillent et leurs sales habitudes, si ELLE ne vient plus.
Bien sûr, il me reste encore des détails à chiper ici et là, des petits bonheurs discrets, des incongruités dont je tapisserai les cloisons de ma solitude ce soir. Bien sûr.
Mais je la voudrais, près de moi, telle que je l’ai aperçue la première fois.
Ses ailes brillaient dans la lumière du jour.
Et ELLE était si belle,
avec son sourire d’ange, sa grâce juvénile et sa manière bien à elle de darder sur les amoureux maladroits son regard de feu.
Si j’étais resté silencieux, attentif et patient, ELLE serait toujours présente, à mes côtés, flamboyante.
J’ai tout détruit.
Pour LA séduire, j’ai fait le pitre, l’inspiré, semant dans mon sillage des graines de folie.
Je ne savais pas.
ELLE voulait simplement qu’ils s’embrassent.
ELLE avait tant travaillé pour cela.
Et moi, j’ai tout gâché.
Oh, ELLE a bien eu le loisir de me le reprocher, plus tard. Mais, le mal était fait.
Ils se sont disputés. Les chaises ont grincé bruyamment en traînant sur le parquet…
ELLE, elle voulait qu’ils s’aiment.
Devant leur table vide, dévastée, ELLE a fulminé. Ses yeux ont lancé sur moi des éclairs durs, définitifs, et ELLE est partie dans un grand froissement délicat de plumes et de soie, sans un mot pour ma présence misérable.
Il faut absolument que je pense à changer, aussi, je crois.
Ce texte a été émis sous l'inspiration de la consigne 67 du site Paroles Plurielles. Il fallait s'inspirer de la photo de café ci-dessus, et de l'incipit suivant : "Il faut absolument que je pense à..."