Autour de l'Icône Michel Balat

Publié le 14 juin 2013 par Balatmichel

Autour de l'Icône Michel Balat

Si on veut parler de l'icône, on ne peut pas éviter de parler des signes.

D'une part, il y a autant de définitions de signes que d'auteurs : c'est un concept difficile à cerner. Sans doute, c'est un mot dont il faudrait presque se débarrasser, au moins au plan théorique, parce qu'il est trop encombrant. Quand un mot signifie trop de choses à la fois, il peut aider dans le vocabulaire courant à faire des variations, mais qui, pour le travail d'élaboration, ne sert pratiquement plus à rien. D'autre part, là où l'on trouve les choses définies avec le plus de rigueur sur le signe sont, à mon sens, dans deux conceptions très précises.

La première est celle de Ferdinand de Saussure, qui dit qu'un signe est l'association d'un signifiant et d'un signifié. Alors, me direz-vous, qu'est ce qu'un signifiant et qu'est ce qu'un signifié ? C'est assez complexe, car Ferdinand de Saussure héritait de toute une philosophie. Pour lui, le signifiant, c'était l'image acoustique. Et pour le signifié, il donne le fameux exemple princeps : il y a le mot « arbre », c'est le signifiant, et pour en désigner le signifié, il dessine un arbre, en fait il veut dire par là le concept d'arbre. Alors, évidemment, on ne peut pas s'empêcher de penser que c'est un peu simplet... Il ne faut pas le dire trop fort, car c'est un grand homme et parce que tout le livre est remarquable, « Cours de linguistique générale ».

D'autant que le malheureux, avant lui, mais ailleurs (parce qu'à l'époque, il n'y avait pas internet, aujourd'hui, les mathématiciens fonctionnent presque en temps réel…) à l'époque, ce n'était pas le cas. Au moyen âge, il fallait qu'un messager parte à cheval avec les lettres… c'était plus compliqué. Alors, de l'autre côté de l'atlantique, dans le siècle précédent, c'est à dire à la fin du XIXème siècle, il y avait ce philosophe sur l'œuvre de qui je travaille depuis plus de trente ans, Charles Sanders Peirce, qui, lui, avait fondé sa sémiotique avec une rigueur extraordinaire, et je dois dire, un peu moins simple. Enfin, comme ca, au prime abord… ne croyez pas que j'en profite pour dire du mal sur Ferdinand de Saussure, car son livre, ce n'est pas lui qui l'avait écrit. Ce sont les notes qui ont été prises par ses élèves et qui ont été reconstituées comme un cours, ce qui est quand même sans doute un peu audacieux. C'est pour ça que l'arbre qui pouvait servir d'image pour fixer les idées devenait un concept… n'empêche, le mot arbre renvoie à un arbre ! Lequel ? ça, ce n'est pas dit puisque, précisément c'est le concept d'arbre qui est visé. C'est là qu'arrive Peirce et sa conception très délicate du signe. Il dit qu'il n'y a pas de signe comme tel et il désigne ce qu'on appelle signe du nom de sémiose. La sémiose, c'est quand même autre chose ! C'est un processus qui se produit, un développement, quelque chose qui a un cours, dont même la fin n'est pas particulièrement déterminée. Il y a des sémioses qui ont toujours cours. Par exemple, si vous prenez des types intéressants comme Maldiney ou Blanchot, ils parlent d'œuvre infinie. On se rend compte que les grands tableaux qui habitent le monde sont des tableaux qui sont toujours en quête, ils sont toujours dans la sémiose. Si je peux dire, on n'a pas achevé la Joconde ! Elle est morte mais on ne l'a pas achevée… c'est sans doute dans l'art que les processus sont le plus marqués d'infinitude, ça ne veut pas dire infini, mais c'est dire que la fin n'est pas évidente. Donc, déjà, je trouve qu'il est intéressant d'aborder les choses sous cet angle-là, sous l'angle de la sémiose. Un signe, c'est un processus. On ne peut pas dire « ça, c'est un signe ! ». Non, si vous dites ça, c'est fichu, car vous êtes déjà dans le processus auquel il a donné lieu. C'est pour ça qu'il y a quelque chose de complexe dans le signe. À la place du signe, Peirce propose un terme barbare, le representamen, — qui ne me plaisait pas et que j'ai traduit par un terme du moyen âge, que je lui préfère — représentement un mot qui vient de Saint Bernard, qui est d'ailleurs un drôle de bonhomme car, entre autres, il a fait castrer Abélard. Ce n'est pas un type recommandable, c'est lui qui a créé les Templiers, c'est un guerrier… à part que, je lui sais gré d'avoir inventé ce mot. Alors, au lieu de signe, Peirce propose le représentement. Il y a quelque chose qui est là qui se met à faire du représentement. Je ne dis pas représentation. C'est quelque chose qui peut provoquer une sémiose.

(…)