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INFO LE FIGARO [par François Simon - service infographie du Figaro] Les tractations pour la reprise du restaurant germanopratin sont en cours depuis bientôt deux mois et devraient aboutir.La galaxie Ducasse continue non seulement à s'étendre dans le monde entier, mais également à Paris. Après le Plaza Athénée (trois étoiles Michelin), Aux Lyonnais (rue Saint-Marc, IIe), chez Benoît (rue Saint-Martin, IVe), le Jules Verne (tour Eiffel) et Rech (avenue des Ternes, XVIIe), Alain Ducasse, et son associé Laurent Plantier, ont bien avancé les tractations avec Claude Layrac, 75 ans, patron d'Allard, la célèbre institution de Saint-Germain-des-Prés, rue Saint-André-des-Arts (VIe).Le bistrot a régulièrement connu des heures de gloire. Il est baptisé du nom de ses propriétaires en 1935. Madame Allard fait alors partie de ces mères cuisinières donnant ses lettres de noblesse à la cuisine bourgeoise.La belle clientèle afflue. L'Aga Khan y avait ses habitudes. Il avait même un rite facétieux qui consistait à arriver bien avant la Begum. Il se tapait alors à toute vitesse un coq au vin, faisait débarrasser la table, retrouvait sa dignité. Et lorsque sa femme arrivait, mine de rien, recommandait un deuxième coq au vin.Jean Gabin préférait le petit salé aux haricots rouges arrosé de Beaujolais, le maréchal Juin du chavignol, le président Pinay toujours la même table (la plus discrète). Philippe Lemaire et Juliette Gréco y firent leur repas de noces. Jane Russell, largement décolletée, n'avait pas son pareil pour faire retenir le souffle à l'assistance et aux serveurs. Toute la salle était suspendue à sa gestuelle carbonisante: lorsqu'elle levait très haut les bras pour déguster les coquilles Saint-Jacques…La manivelle de la nostalgie
Madame Allard transmet son savoir faire à sa belle-fille jusqu'en 1985, date à laquelle l'Aveyronnais Claude Layrac qui, avec ses deux frères, animaient déjà le Petit Zinc, le Fürstenberg et le Muniche. Il conservera la même carte avec les fondamentaux d'Allard: le canard de Challans aux olives, l'épaule d'agneau du limousin, le coq au vin, le cassoulet et le poulet aux morilles (en saison).Le groupe Alain Ducasse devrait procéder comme il le fait jusqu'alors avec ce genre d'institution: garder l'âme des lieux, son patrimoine sentimental tout en remettant d'équerre cuisine et salle, personnel et ambition. Il est vrai que la maison depuis quelques lustres somnolait allègrement sans que toutefois, la clientèle fidèle ne s'en offusque.
On devrait alors assister à un grand classique parisien lorsqu'une maison change de main. Même si la prestation risque d'être (logiquement) meilleure, il y aura toujours des esprits chafouins pour faire tourner la manivelle de la nostalgie. On regrettera les pommes sautées d'alors, le poulet découpé à la hache… Alors, pour ceux-là, hâtez-vous, la nouvelle version devrait être livrée à la rentrée prochaine…