Magazine Animaux

La haine pour tous

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages
Par Bernard Pesle-Couserend

Quelque part en basse montagne, au QG du collectif « La haine pour tous », également appelé FFAR (Fine Fleur de l’Autisme Rural)

Bernard Pesle-Couserend Bernard Pesle-Couserend. Ou son frère? - Amis de la subvention, bonjour !
Nous sommes tous réunis pour réfléchir à la suite de notre stratégie.
- La stratégie de reconquête ovine?
- Mais non! la stratégie pour faire basculer l’opinion publique vers la destruction systématique du loup. Ton revenu, il dépend de ce que tu produis ?
- Ben… non, ce que je produis ça donne pas de revenu, ça donne que des dettes: un agneau ça me coûte 180 € à produire et je le vends 90, alors…
- Alors trêve de plaisanterie; on parle de choses sérieuses là, pas de côtelettes 50% os, 50% gras, et 50% tout le reste que plus personne ne veut bouffer en dehors de Pâques, à part les vieux !

L’heure est grave : pendant un bon moment, j’ai cru que les livres de Jean-Marc Moriceau allaient suffire pour relancer durablement la peur du loup. Bilan: Que dalle ! Faut dire que même lui, il a nuancé son propos, avec la situation d’aujourd’hui qu’on ne peut plus trop comparer avec autrefois, etc. On voit bien qu’il ne vient pas souvent chez nous celui-là, sinon il saurait qu’on n’a pas beaucoup évolué depuis le 18ème siècle par ici. Bref, il faut trouver autre chose.
A bien y réfléchir d’ailleurs, un professeur d’université, c’était pas le bon cheval : le gars il est soumis à une certaine rigueur et une certaine retenue de part sa fonction, tout notre contraire. Alors même s’il éprouve de la sympathie pour la cause paysanne, on peut pas trop compter sur lui pour désinformer.
Ce qu’il nous faudrait, c’est quelqu’un qui ne se poserait pas tellement de questions éthiques, quelqu’un qui nous ressemble, mais qui fasse classe. Donc quelqu’un qui nous ressemble, mais qui ne nous ressemble pas. Suis-je clair ?
Avec une ligne limpide : l’instruction à charge, seulement à charge et rien qu’à charge. Pour faire simple, le triptyque fédérateur : Thèse, re-thèse, foutaise. Faire sérieux, c’est pas super compliqué: il faut noyer le lecteur de notes de bas de page qui servent de caution. Comme ça, tu prouves que t’as vachement bossé. C’est comme pour faire croire que t’as lu un livre : tu cites la première page, la dernière page et la page 100. Car si t’as lu la page 100, c’est que tu as lu le livre en entier.
Après rien ne t’empêche de faire dire à ta référence ce qu’elle ne dit pas. Les renvois en bas de page, peu importe ce qu’ils contiennent : les gens les lisent pas, surtout si c’est de l’anglais. A commencer par nous : on a déjà du mal avec le français, alors l’anglais. Mais c’est ça l’idée! Il faut trouver un rédacteur anglais ! Kévin Smith, Rihanna Brooks, Brandon Cougar ou Beyoncé Lopez, sur la couverture d’un dossier, ça en jette un max ! Surtout avec un petit " © 2013 " derrière.
Reste à préciser le cahier des charges, mais en gros c’est ça : On ose tout et en grande quantité, c’est même à ça qu’on nous reconnaîtra. Enfin tout, quand même pas, faut cibler sur ce qui fédère contre : les illuminés écolos, les fonctionnaires, les technocrates de Bruxelles qui sont rien que des menteurs qui veulent faire croire que le loup se nourrit que de salade verte… bref, la routine.
On sait faire, moi ça fait des années que je tiens avec un credo simple: jamais aucune information, que du conditionnel et de la mauvaise foi. Et c’est efficace ! En quelques années on finit par croire à ce qu’on écrit. La désinformation, ça devient ma nature.
Il y a quand même une profession, qu’il faut épargner: les bergers. Parce qu'on est méchants, mais on n'est pas bêtes: vous comme moi, cette profession on l’a en horreur. Les bergers, et leurs clébards, ça synthétise tout ce que je déteste. C’est bien simple, dès que je vois un berger, je pense aux écolos et ça m’énerve. Mais d’un autre côté, le berger est un naïf bien pratique: il croit que sans ours ou sans loups, on l’embaucherait quand même pour surveiller le troupeau.
Ben voyons: on va embaucher un mec qui, toutes charges comprises, va nous coûter 2.300 et quelques € par mois. Avec ça, tu peux t’acheter 25 agnelles certifiées grâce aux aides. Alors on peut bien en perdre quelques unes. Et en plus, tant qu’il y a des prédateurs, on leur colle tout sur le dos. D’ailleurs, je plains ceux qui n’en ont pas chez eux : ils doivent vraiment en baver. Les bergers c’est vraiment parce que tout est payé, pour faire genre, et pour entretenir la confusion entre bergers et éleveurs pluriactifs.
Mais le vrai progrès, c’est un immense troupeau sans berger. Non, le vrai progrès, c’est un troupeau, même pas immense d’ailleurs, mais sans obligation de produire. " Le contrat plutôt que la contrainte ".
Voilà : un troupeau de 150 brebis, 60.000 € de subventions et aucun contrôle ni objectif productif, juste parce que la brebis est au centre du Monde et que le Soleil tourne autour.
J’ai une autre idée ! Il faut chercher un chercheur qui démontre qu’avec le réchauffement climatique, les ours n’hibernent plus en continu et sortent de leur tanière pour manger les brebis dans les bergeries entre décembre et avril. Et que si ça continue comme ça, bientôt ils seront capables de mémoriser les digicodes et attaqueront les citadins chez eux. Déjà qu’ils ouvrent les portières des voitures! Ce sera l’objet du prochain dossier, mais pour l’instant, on met le paquet sur le loup.
- Et tu crois qu’avec ça, on va vendre plus d’agneau plus cher ?
- Bon on va couper court : on est tous très occupés – pas à garder les troupeaux, d’accord – mais quand même… Qu’est-ce que je viens de dire... ? Ça va servir à tirer plus de loups, tout le reste on-s’en-fout ! Le tir de loup, je connais pas meilleur aphrodisiaque. Et au prix de la pilule bleue, même en générique, tu fais de sacrées économies. C’est pour ça que 24 loups à tirer, ça sera pas de trop.
Parce que ça agit plusieurs fois :

  • Une fois quand le plan loup est annoncé.
  • Une fois quand le plan loup est validé.
  • Une fois quand chaque préfet prend son arrêté.
  • Une fois quand ça paraît dans le journal.
  • Et une fois quand le tir est réalisé.

Tiens là, rien que d’en parler, je sens quelque chose…
- Moi aussi !
- Moi aussi !
- Moi aussi !
- Moi aussi !


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