L’Inconnu du Lac : Lettre à Alain Guiraudie

Publié le 12 juin 2013 par Unionstreet

Cher Alain,

Oui permettez moi de vous appeler Alain. Vous ne m’avez pas vu, de toute façon vous ne me connaissez pas, mais moi je vous ai vu lors de l’avant-première de L’Inconnu du Lac au  MK2 Quai de Seine ce mardi, et vous m’avez semblé si sympathique que j’ose vous dire Alain et non pas Mr Guiraudie. Je suis venu admirer votre travail et sans m’y attendre je vous ai admiré, vous, l’homme. En quelques mots, avant le début de la projection, vous m’avez fait rire. Vous étiez plein de lumière, vous m’avez rempli de joie en dix minutes. Vous avez vendu votre film en deux trois mots bien choisis qui ont encore élargi mon excitation, mon impatiente. Puis vous avez été touchant en dédiant votre film à Clément Méric et en rappelant l’étrange climat que la France traversait.

Je vous écrit pour vous remercier. L’Inconnu du Lac n’est pas un film comme les autres, du moins je n’en ai pas l’impression, et je pense qu’il sera en 2013 le film qui me restera le plus longtemps en tête. Je crois n’avoir jamais autant ressenti l’excitation et la fascination d’un protagoniste dans un film. Votre film dégage une sensation solaire qui m’a emmené au bord de ce lac durant plus d’une heure et demie. Je ne savais pas vraiment où j’étais, j’entendais parler d’aller boire un verre ou de devoir aller au commissariat mais je restais là, au bord de ce lac, près de son parking et de son bois. Votre film est un dépaysement durant lequel nous sommes les témoins (les voyeurs ?) de toutes les choses qui s’y déroulent. De votre film se dégage également une noirceur qui grandit au fur et à mesure que le film avance. Une noirceur qui reste en tête.

Vos acteurs sont magnifiques. Pierre Deladonchamps fond pour un inconnu et nous avec. Il y a une vraie empathie entre le spectateur et son personnage, Franck. Empathie que je n’avais pas ressenti depuis longtemps au cinéma. Evidemment qu’il est fasciné, évidemment qu’il tombe amoureux. Nous le comprenons et nous le ressentons également.  Comment ne pas se jeter à corps perdu dans une relation avec Michel, joué par le charismatique Christophe Paou ? Acteur magnifique et dont la voix et la prononciation ne sont que des raisons de plus pour tomber amoureux de lui. Enfin Patrick d’Assumçao est bouleversant. À la fois drôle et pathétique, son sacrifice final est une déclaration d’amour à vous crever le coeur.

Le désir est partout. Ces hommes se draguent, baisent, se regardent dans une zone de non droit où le sexe est présent partout. L’excitation est palpable, mais voilà que Franck rencontre Michel et l’amour se mêle à ces corps qui se mélangent. Tout paraît réel. Les scènes de sexe non simulées élargissent cette sensation. Mais voilà, votre film se hisse bien au dessus d’un film érotique homosexuel à la I Want Your Love. Votre film se hisse au niveau du mythe. Ca parle d’une bête dans le lac que personne n’a jamais vu, nous ne voyons jamais autre chose que ce lac, le danger est là parmi ces hommes nus …

Les deux hommes vivent leur relation nus, à gros coups de reins, mais il y a une pudeur. Jamais le film ne paraît choquant, et d’ailleurs je ne crois pas qu’il puisse choquer un hétérosexuel. L’amour, le désir, la fascination c’est universel non ?

Vous mêlez thriller, humour, fantastique dans un film qui se termine dans une noirceur inattendue qui plonge le spectateur dans une peur sans nom. Mais la noirceur n’est jamais loin de l’humour avec vous. Quand le spectateur comprend que Michel a reconnu la voiture du témoin du meurtre la salle est hilare grâce à des dialogues savoureux. Chaque personnage est fascinant par sa capacité à nous intriguer et nous faire rire. Chaque personnage est envoûtant par sa beauté, ses paroles, sa philosophie … Je crois même que le lac est un personnage à part entière.

Mon Dieu, je vous couvre d’éloges alors qu’il existe peu de chances pour que vous lisiez ce que je vous écrit. Mais je vous remercie pour ce grand chef d’oeuvre magnétique, ce condensé de sensations et votre regard sans jugement aucun et toujours juste. Votre caméra sait capturer ces instants et vous n’avez pas volé votre prix à Un Certain Regard.

Et je terminerai par vous dire que j’ai été agacé que deux villes censurent votre affiche. Mais finalement je me marre. Vous savez quoi Alain ? Il n’y a pas de repos pour les braves et je pense que beaucoup se souviendront de votre film comme l’un des films majeurs de cette dernière année. Je crois qu’à part vous et Leos Carax, aucun français n’a réussi à me fasciner ces dernières années à ce point. On se souviendra de l’Inconnu du Lac, de nouvelles personnes vont connaître votre travail. Vous allez marquer de votre emprunte personnelle le cinéma français. Laissons ceux qui critiquent votre affiche passer à côté de la culture parce qu’elle serait trop gay. Ces gens là, contrairement à vous, nous allons très vite les oublier.

Bien à vous Alain.

Nicolas, un jeune cinéphile encore sous le charme de votre chef d’oeuvre.

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