Au Ghana, l'ethnie des Ga dévoile ses rites mortuaires, et plus particulièrement cette tradition récente de construire un cercueil "sur mesure" pour chaque membre de l'ethnie (tout du moins ceux qui en ont les moyens car le coût en est élevé qui décède. L'inventivité des artisans se mêle à la gravité du choix qui s'impose à la famille : quel cercueil ressemblera le plus au défunt ?
Voyage à la découverte d'une des plus étonnantes pratiques d'Afrique ...
Les cercueils de la société Ga représentent le métier du défunt, ses intérêts, son statut social ou ce qu'il représentait pour ses proches. Dans la banlieue d'Accra, des menuisiers se sont spécialisés dans cet art funéraire très expressif. Ainsi, une vendeuse de fruits et légumes partira dans une tomate ou un oignon, un joueur de football dans une chaussure à crampons, un pêcheur dans un poisson, mais aussi une mère poule dans une poule. Dernier acte social pour le défunt, les funérailles se doivent d'être majestueuses (et cela se vérifie dans tout le Ghana), afin d'établir définitivement le prestige du mort. Œuvres symboliques, elles accompagnent le nouvel entrant dans l'au-delà, en l'aidant à continuer son travail.L'extrême attention qu’accordent les Ga à leurs rituels d’enterrement est une conséquence de leur conception de l’au-delà. Selon ces croyances, la vie se poursuit après la mort comme sur la terre et le défunt, qui accède au rang d’ancêtre, y conserve aussi bien son statut social que son métier. La mort n’est pas considérée comme une fin définitive, les Ga croient en une réincarnation qui s’effectue au sein de la famille, en sautant à chaque fois une génération. Mais les défunts ne sont pas tous promus à la dignité d’ancêtres, seuls le deviennent ceux qui ont réussi professionnellement, qui ont engendré beaucoup d’enfants et qui sont morts très vieux, de mort naturelle. Aux défunts qui réunissent toutes ces conditions, on rend hommage dès leur enterrement par une grande fête. C’est une étape importante, pour préparer la communauté des ancêtres à respecter le nouveau venu et à l’admettre en son sein.
Seth Kane Kwei fut le premier artiste à rendre célèbres ses cercueils figuratifs à l'étranger. Si quelques unités avaient été acquises dans les années 70 par des galeristes américains (Vivian Burns en 1973, Ernie Wolfe, tous deux établis à Los Angeles) c’est à partir de 1989 que les cercueils de Kane Kwei ont accédé à une reconnaissance internationale en tant qu’œuvres d’art éphémère, emblématique de la création contemporaine en Afrique.
Une reconnaissance récente venue de l'étranger
L’utilisation de ces cercueils lors des funérailles en pays Ga s’est généralisée dès le début des années 1960, devenant de facto une véritable tradition.
Au décès de Kane Kwei, son fils Sowah prend la relève à la tête de l’atelier puis ce fut le tour de Cedi – cadet de Sowah – après la disparition de ce dernier en 1999. Depuis 2005, Eric Adjetey Anang (né en 1985, fils de Cedi) s’attache à dynamiser la créativité de l’atelier par l’introduction de nouveaux modèles, la création de meubles réalisés dans le même esprit et avec les mêmes techniques que les cercueils. Une dizaine d’ateliers établis à Teshie et dans la région d’Accra produisent des cercueils apparentés. Parmi eux, on trouve ceux de Ataa Oko à La,Paa Joe à Nswam, Paa Willie à Nungua, Tei à Dorwanya, Hello et Lay à Teshie, Tetteh à Amasaman, Tetteh Red à Ningo, Eric Kpakpo à La ou encore Kudjoe Affutu à Awutu (Central Region).
Leurs patrons sont d’anciens apprentis de Kane Kwei ou de ses successeurs.
Ataa Oko Addo
né vers 1921 à La, Ghana
Ataa Oko Addo est l'un des initiateurs des cercueils décoratifs Ga.Né dans la ville côtière de La, Ataa Oko Addo est d'abord pêcheur, il est ensuite employé dans les plantations de cacao de la région d'Ashanti.Vers 1949, il crée à son premier cercueil figuratif en forme de crocodile. En 1951, il ouvre son premier atelier. Vers 1970, il a de nombreux contacts avec Kane Kwei, un autre pionnier de l'art des cercueils fantaisie au Ghana.Depuis 2006, il se consacre plutôt à dessiner, les sujets sont ses anciens cercueils figuratifs, ses rèves, des rites religieuses ou des monstres bizarres.
- 2011/12. Miracles of Africa, Hämeenlinna Art Museum, Hämeenlinna et Oulu Museum of Art, Oma, Finnland.
- 2011. Sainsbury Centre for Visual Arts, University of East Anglia, Norwich. Ghanaian 'fantasy coffin', Griff Rhys Jones.
- 2010/11. Collection de l’Art Brut, Lausanne. Exposition Ataa Oko et les Esprits.
- 2006 et 2007/2008. Kunstmuseum Bern et Deutsches Hygienemuseum, Dresden. Exposition Six Feet Under: Autopsie unseres Umgangs mit Toten.
Paa Joe
né en 1945 à Akwapim, Ghana
Paa Joe est né en 1945 dans les collines au nord-est d'Accra.Paa Joe effectue son apprentissage avec Kane Kwei à Teshie, mais a laissé son maître déjà 1974. En 1976, il ouvre son propre atelier à Nungua. En 1989 il a été invité avec Kane Kwei à participer à l'exposition "Magiciens de la terre" à Paris. Depuis lors, ses cercueils sont montrés partout dans le monde.En 2005, ils ont été exposés dans la galerie Jack Shainman à New York, et en 2006 Paa Joe a participé à l'exposition «Six Feet Under" au musée d’art de Berne.
En 2007, il a ouvert un nouvel atelier à Pobiman près d'Accra.
En 2006/2007 pour l'exposition Six Feet Under, Autopsie de notre relation aux morts, au Kunstmuseum de Berne, Paa Joe a conçu sept cercueils pour l'exposition : pour les membres de son clan, un cercueil ayant la forme d'un oiseau mythique, le Sankofa, qui, tournant sa tête vers l'arrière, se nourrit du passé pour mieux aller de l'avant.
Les dessins de son maître, Ataa Oko Addo, forment une typologie colorée des motifs de cercueil, créant ainsi un thésaurus qui évoque le lexique de Frédéric Bruly Bouabré. Il présente aussi d'autres cercueils en forme de bateau, de Mercedes ou de sandale de chef de clan.
Paa Joe a travaillé à cette occasion sans aucun plan, il a fabriqué chaque pièce uniquement à l’aide de photos et en s’appuyant sur ses propres observations. Avec ses apprentis, il a réalisé une série de cercueils figurant toutes ces vieilles places fortes bâties par les Européens pour le commerce des esclaves
Kudjoe Affutu
né en 1985 à Awutu Bawyiase, Ghana
Kudjoe Affutu est un artiste indépendant spécialisé dans la création de cercueils artistiques.Kudjoe Affutu a effectué sa formation de 2002 à 2006 auprès de Paa Joe lui-même ancien apprenti de Kane Kwei et grand artiste de l’art funéraire, à Nungua, dans la région d’Accra.
Depuis 2007, il dirige dans sa ville natale son propre atelier, où il réalise des cercueils figuratifs et des sculptures pour des enterrements ghanéens, ainsi que pour des musées d’art et des collectionneurs privés.
En Europe, l’artiste est connu grâce à sa participation à de nombreux projets d’expositions, le plus souvent à la demande et en collaboration avec d'autres artistes :
- 2006. Kunstmuseum Berne. Collaboration au cercueil-poule pour l'exposition Six Feet Under.
- 2008 Interprétations du personnage de bandes dessinées Pulp pour les artistes M.S. Bastian et Isabelle L
- 2010 Collaboration avec Ataa Oko pour son exposition de la Collection de l'art brut, Lausanne , et au Centre Pompido3, Paris .
- 2010 Cercueil-frigidaire Exposition de Thomas Demand:La carte d’après nature dans le Nouveau Musée d’Art de Montecarlo
- 2010/11 Centre Pompidou, Paris. Pompidou-Sarg dans l'exposition Anthologie de l’humour noir de Saâdane Afif.
- 2011 Musée Tinguely, Bâle. cercueil «Hummer» pour l'exposition Fetisch Auto. Ich fahre, also bin ich.
Eric Adjetey Anang
Eric Adjetey Anang est le petit-fils deKane Kwei. Avant la fin de sa scolarité, il mène un projet éducatif introduisant les cercueils figuratifs dans le musée Gidan Makamae Kano au Nigeria avec le concours de l'Alliance française de cette ville. En 2005, après avoir terminé ses études secondaires, il reprend en main l'atelier de son grand-père Kane Kwei (1922-1992). En l'espace de quelques années, il devient l'un des artistes créateurs de cercueils fantaisie les plus connus du Ghana.Eric Adjetey Anang
Son travail est présent dans des collections publiques et privées en Europe, aux États-Unis et au Canada. Eric Adjetey Anang est membre de la
Foundation for Contemporary Art (Ghana) depuis 2007.Expositions et Médias:
- 2011 Invité à créer un cercueil in situ à la Biennale de design de Gwangju (Corée du Sud)
- 2011 Installation d'un cercueil poisson au musée Royal de l'Ontario, à l'occasion de la Journée Mondial des Musées
- 2010 Commande d'une sculpture figurant une épicerie par le département archéologie de l'Université du Ghana à Legon pour le Pitt Rivers Museum, Oxford.
- 2009 Ghana art Coffins Anvers Belgique
- 2008 Moment with Mo Abudu Lagos, Nigeria.
Visitez notre petit hôtel au Ghana sur la plage de Busua : Busua Inn (fr)Visitez notre écolodge tropical en bord de mer dans la baie d'Ezile : Ezile bay (fr)Visit our guesthouse in Ghana on the Busua Beach : Busua Inn (en)Visit our tropical ecolodge on the lovely Bay of Ezile : Ezile bay (en)