Voilà plusieurs semaines, depuis le début de l’année, que l’occasion se présente de signaler et rappeler la vague cinétique qui déferle sur Paris (Art cinétique , retour en force). Julio Le Parc au Palais de Tokyo, Jésus Rafael Soto au Centre Pompidou, les mêmes dans les galeries Denise René, Sobrino à la galerie Nmarino…
L’exposition Dynamo au Grand Palais à Paris marque une étape essentielle de ce retour en grâce de l’art cinétique et lumino-cinétique. Assurément cette exposition imposante permettra à un public jeune qui peut ne pas connaître ce mouvement singulièrement délaissé depuis vingt ans, de mettre à jour sa connaissance.
Retour aux sources
L’exposition présente les racines de l’art cinétique… en fin d’exposition. Difficile d’éviter l’encombrant Marcel Duchamp qui, dès 1913, proposait le tout premier Ready-made composé d’un tabouret et d’une roue de bicyclette, cinétique donc… C’est bien le même Duchamp qui, en 1920, dans « Rotative, plaques, verre » créait une œuvre animée électriquement, motorisée, aux effets optiques novateur. C’est peut-être avant tout à Num Gabo, peintre, sculpteur et architecte, venu de Moscou, qui s’est installé dans une usine désaffectée dans la banlieue ouest de Berlin, à Licherfelde-Ost, que l’on doit une véritable préoccupation cinétique. L’auteur avec son frère Pevsner du «Manifeste réaliste » s'oppose à « l’erreur millénaire héritée de l’art égyptien, qui voyait dans les rythmes statiques les seuls éléments de la création plastique », Gabo, dans cet atelier de la périphérie de Berlin, est en train d’inventer l’art cinétique. Le jeune écrivain belge Michel Seuphor, en visite dans l'atelier de Gabo en 1922, aperçoit, sur une table, dans l’encombrement de travaux en cours, « une sorte de tige dressée sur un pied et ça bougeait » .
D’ Amérique Latine, aux sources de l’art concret avec Carmelo Arden-Quin, une école de l’art cinétique et lumino-cinétique naîtra et débarquera en France.
Une place dans l’Histoire
"Chromo-saturation" Carlo Cruz-Diez
Il est ainsi satisfaisant de voir reconnus pour l’histoire des artistes si bien délaissés depuis vingt ans. Certains sont morts (Vardanega, Bury ). J'entends encore leur témoignage personnel, leurs regrets de cet oubli, pour tout dire leur déception. D'autre, âgés, profitent de cette mise en lumière. Ainsi Cruz-Diez dont les chromo-saturations n’ont pas vieilli depuis un demi-siècle : « Ces œuvres sont liées à l’idée qu’à l’origine de toute culture se trouve un évènement primaire comme point de départ. Une situation simple qui engendre tout un système de pensée, une sensibilité, un mythe, etc. ».
D'autres encore ont conservé une actualité pour une recherche qui se développait sur d'autres terrains, notamment François Mollet qui connaît la part belle pour son oeuvre personnelle et sa participation au G.R.A.V. dont le labyrinthe est reconstitué au grand Palais.
Un art contemporain
L'exposition offre, avec des artistes plus jeunes, un regard sur une création actuelle : Ann Veronica Janssens , Saâdane Afif ou Philippe Decrauzat apportent un sang neuf dans ce mouvement. La mise en perspective avec le minimalisme américain est-elle aussi bien justifiée ? Lorsque l'exposition "The Responsive Eye" à New-York en 1965 consacre le mouvement cinétique , les artistes du minimalisme sont-ils influencés ? Dan Flavin, bien représenté dans l'exposition, permet de poser la question.
Dan Flavin Grans Plais
Cette confrontation a le mérite de replacer le mouvement de l'art lumino-cinétique dans une perspective où cet art retrouve sa validité contemporaine, qualité qui lui était pourtant bien contestée depuis un certain nombre d'années.
Photo Cruz-Diez et Dan Flavin:de l'auteur
"Dynamo, un siècle de lumière et de mouvement dans l'art 1913-2013".
Commissaire d'exposition: Serge Lemoine
Grand Palais, Paris 7e. Jusqu'au 22 juillet.