« Roue de bicyclette » 1913
Il peut paraître bien téméraire de vouloir évoquer ici le centième anniversaire du premier Ready-made de Marcel Duchamp « Roue de bicyclette » créé en 1913. Cent ans après, le sujet reste sensible, coupe le monde en deux : ceux de l’avant et ceux de l’après. Il est le lieu de fixation de toutes les polémiques, a généré une littérature impressionnante de spécialistes. Il connaît ses défenseurs les plus déterminés comme ses détracteurs les plus farouches, ces derniers basculant parfois, pour les cas limites, dans un poujadisme navrant.
Ready-made "assisté"
"Roue de bicyclette" version 1964 Marcel Duchamp Sculpture
Dimensions : 63 x 127 x 28 cm
Marcel Duchamp n’a rien fait, non plus, pour simplifier les choses en semant le doute au gré des entretiens et des déclarations. En premier lieu, l’artiste réfuta le terme de Ready-made pour ce premier objet improbable que l’on qualifia cependant de "Ready-made assisté".
« Quand j’ai mis une roue de bicyclette sur un tabouret la fourche en bas, il n’y avait aucune idée de Ready made ni même de quelque chose d’autre, c’était simplement une distraction »
déclarait-il à Pierre Cabanne. L’original de l'oeuvre fut perdu ou oublié par Duchamp dans son atelier de Neuilly lorsqu’il quitta la France pour les Etats-Unis en 1915, d' où la fabrication d'une seconde roue de bicyclette dans l’atelier New-yorkais en 1916.
Et là, la machine se met à marche, produit du sens, des discours, des textes. Les Ready-made bruts Porte bouteilles (1914), Fontaine (1917) ont pris le relais dans la remise en cause de l’art, de la situation de l’artiste, de la signature, de la condition d’auteur, autant de notions qui agitent toujours l’art de notre époque un siècle plus tard.
Cette roue de Duchamp a marqué avec bonheur ou malédiction selon les uns ou les autres, une rupture à laquelle je laisse prudemment à d’autres le soin de dire si elle fut volontaire ou non, si elle fut le fruit d’une réflexion visionnaire ou d’un opportunisme de dandy.
Car ce qui s’est passé avec la roue de Duchamp lui a échappé, ne lui appartient plus et les artistes se sont appropriés une question lancinante, encombrante, détestable ou lumineuse.
Nier l’importance du phénomène serait, me semble-t-il, faire preuve d’autant de clairvoyance que le tribunal de l’Inquisition face à Galilée défendant la rotondité de la terre.
Pour autant, cet anniversaire, en 2013 en France, ne suscite pas un engouement significatif, ne déclenche pas des manifestations à la hauteur du symbole. Seul le LAAC à Dunkerque propose "Poétique d'objets" en revisitant l'objet post-Duchamp. Je n'évoquerai pas davantage cette exposition que je n'ai pas eu encore l'occasion de voir.
"Duchamp et après.."
Plus modestement , l'APACC de Montreuil présente avec "Duchamp et après.." dans les prochains jours, une mise en perspective de la roue de Bicyclette de Duchamp avec les oeuvres de trois artistes de générations différentes: Mark Brusse, Arnaud Cohen et Daniel Nadaud. Disparue puis réapparue, toujours présente et actuelle, la roue de Duchamp, dans nos têtes, n'a pas fini de tourner.
Photo source: http://www.artactuel.com/artiste-contemporain-confirme/duchamp-marcel-15/oeuvres/roue-de-bicyclette-220.html
"Duchamp et après.."
Avec les artistes :
Mark Brusse, Arnaud Cohen et Daniel Nadaud
Du 31 mai (vernissage 18h) au 9 juin 2013
APACC
19 rue Carnot
93100 Montreuil