Difficile de se mettre à la fenêtre pour se voir passer dans la rue. C’est donc avec cette avertissement en tête que ces ligne seront consacrées à l’exposition « Duchamp et après… » dont je suis le concepteur et que l’APACC de Montreuil a bien voulu accueillir.
Déjà abordé récemment,( « Marcel Duchamp 1913 : et pourtant elle tourne ! ») le centenaire du tout premier Ready-made de Marcel Duchamp offre l’occasion d’ évoquer cette histoire singulière : comment un geste artistique apparemment anodin selon son auteur a finalement occupé une place centrale dans l’art à la fois par la conviction de ses défenseurs et la vigueur de ses opposants.
Un siècle plus tard, on ne peut que constater combien ce geste a généré une fracture décisive dans l’art de notre temps, heureuse pour les uns, désastreuse pour les autres.
Pour trois artistes de trois générations différentes : Mark Brusse, Daniel Nadaud et Arnaud Cohen, la vie après Duchamp a pris des voies personnelles diverses.
Mark Brusse
"La fente fertile" 2012 Mark Brusse
Dès le début des années soixante où il réalise des assemblages d’objets en bois de récupération et divers métaux trouvés dans la rue, Mark Brusse se retrouve tout naturellement en relation avec les artistes du Nouveau réalisme, groupe auquel il ne sera pas associé. Sa proximité avec Daniel Spoerri ou Raymond Hains ne doit rien au hasard. Mais à la différence des artistes du nouveau réalisme, les productions de Mark Brusse donnent vite naissance à des objets non identifiés, fort loin du détournement d’objets réels du nouveau réalisme. Il se lie avec le groupe Fluxus connu pour son attachement au caractère événementiel et éphémère de l’œuvre, ce qui conduit Brusse à participer à plusieurs happenings et surtout à collaborer avec le musicien John Cage.
« Je voudrais faire des choses, mais des choses… » explique Mark Brusse, marquant ainsi à la fois sa volonté d’artiste et sa difficulté à définir un tel itinéraire.
Daniel Nadaud
"D'un seul élan" 1993 Daniel Nadaud
Avec calme et tranquillité, Daniel Nadaud a pourtant pris assez vite une position radicale : en 1982-1983, il trouve la peinture, la sienne, suspecte. Il prend la décision d'y échapper, de briser le châssis, de peindre sur d'autres horizons, et puis de ne plus peindre. Cet homme tranquille, paisible, récolte autour de lui les traces dévaluées d'une activité laborieuse, les regarde à sa façon et nous donne à voir , à revoir ce réel déchu. Le sort des objets devient le centre de sa préoccupation. Plus qu’un détournement de l’objet, il s’agit là d’une seconde vie pour des objets arrachés à l’oubli. « Le débris m’intéresse beaucoup » affirme Daniel Nadaud . Son autopsie du monde agricole en perdition a occupé un temps de son oeuvre.
Arnaud Cohen
"The Kiss" 2008 Arnaud Cohen
Né en 1968, l’année de la mort de Duchamp, Arnaud Cohen est donc doublement post-Duchamp. "Arnaud Cohen invente des dispositifs constitués d’objets et de mots, volés à la société de consommation et subvertis. Assemblages luxueux en bronze chromé d’objets archétypaux simplement agrandis, collages, ready-mades où la seule intervention réside dans une immersion partielle dans un bain de peinture bleue ou rose layette, campagnes d’affichages aux contenus démagogiques et provocateurs".
Le détournement apparaît ainsi comme la stratégie essentielle de son travail. Arnaud Cohen prend l'art contemporain en otage avec un pistolet en plastique et l'amène là où il l'a décidé: sur un territoire inconnu où il libère ses passagers des formatages qui nous contraignent chaque jour.
Avec ces trois artistes, l'exposition "Duchamp et après.." donne quelques repères dans ces propositions qui tentent d'attribuer un nouveau statut à l'objet, loin de la seule vocation marchande à laquelle notre société a réduit notre regard.
"Duchamp et après.."
Avec les artistes :
Mark Brusse, Arnaud Cohen et Daniel Nadaud
Du 31 mai au 9 juin 2013 ouverture samedi et dimanche de 15h à 19 h
APACC
19 rue Carnot
93100 Montreuil