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Bucolique

Publié le 12 juin 2013 par Rolandbosquet

bucolique

   Le temps des cerises approche.Je parle de cellesqui commencent à rosir dans mon verger et non de celles qu’offrent les étals des marchés. Le gai rossignol chante en quelques trilles un doux poème d’amour à sa dulcinée. Le merle moqueur, quant à lui, s’apprête à piller sans vergogne les groseilliers. Un écureuil, installé au pied d’un bouleau cerné de fraisiers sauvages, se rassasie des petits fruits à peine mûrs. Un pic-vert survient d’un coup d’aile et le chasse. Le sachant aussi peureux que lui, l’écureuil attend patiemment qu’il parte depuis la branche basse du fayard voisin. C’est le moment que choisit l’un des ramiers niché dans les sapins pour s’envoler en grand ramage. Le pic-vert s’enfuit. L’écureuil redescend aussitôt et reprend son festin. A quelques pas de là, une bergeronnette sautille avec élégance d’une herbe à l’autre comme si elle craignait de se mouiller les pattes dans la rosée. J’observe ce ballet bucolique depuis ma terrasse enfin réinvestie depuis quelques jours grâce au retour du soleil. J’avais glissé dans le lecteur de disque la "Prédications aux oiseaux de Saint-François d’Assise" de Franz Liszt interprétée par Anne-Marie Dubois pour accompagner mon café du matin (mélange à 70% de malabar moussonné et 30% deKwilu duCongo pour les amateurs). Mais, que la muse Euterpe me pardonne depuis sa retraite céleste ! J’oublie bientôt la musique au profit de cette symphonie naturelle si riche et si diverse. De nombreuses tâches m’attendent pourtant. Poursuivre l’éternelle taille des haies. Continuer inlassablement le désherbage des parterres. Butter des pommes de terre que la chaleur a ravigotté. Surveiller des limaces qui arrivent à grands pas pour se gorger des jeunes pousses des radis qui lèvent enfin et des tendres feuilles des laitues romaines fraîchement repiquées. La vie à la campagne est une perpétuelle lutte. Tant et si bien que le soir venu, le jardinier est harassé par sa dure journée de labeur. Il s’assoit dans son fauteuil préféré après un frugal repas sur sa terrasse. Veut-il écouter le prélude VII dit "Palmier d’étoiles" de Frédéric Mompou interprété au piano par Arcadi Volodos qu’il s’endort dès le premier mouvement. Ouvre-t-il le "Dictionnaire amoureux de la Bretagne" de Yann Queffélec que les mots se diluent au fil des pages et le plongent dans une aimable somnolence. Voudrait-il regarder la télévision que les programmateurs, subodorant son éclipse prochaine, ne lui offrent plus que torpeur et léthargie avec des documentaires sur les mœurs de la puce d’eau en marais poitevin ou la traversée de l’Afrique, aller et retour, par une femelle gnou et son petit. Je leur suggère le sujet absolument passionnant du téléspectateur pris à rebrousse-poil. En un mot, le jardinier n’a d’autre alternative que de se coucher tôt pour récupérer des forces et se lever dès l’aube pour entendre le coucou chanter dans le lointain.  Quoiqu’il en soit, j’aimerai toujours le temps des cerises fut-il trop court. Il est si riche de promesses et de doux plaisirs, ainsi que l’écrivait Charles  d’Orléans depuis sa retraite londonienne. 

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