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Un mouvement immobile

Publié le 12 juin 2013 par Anargala
Un mouvement immobile
"Sitôt que l'âme est en pente centrale, c'est-à-dire, tournée au dedans d'elle-même par le recueillement, dès ce moment elle est dans une action très forte, qui est une course de l'âme vers son centre qui l'attire et qui surpasse infiniment la vitesse de toutes les autres. C'est donc une action, mais une action si noble, si paisible, si tranquille qu'il semble à l'âme qu'elle n'agit pas ; parce qu'elle agit comme naturellement.Lorsqu'une roue n'est que médiocrement agitée, on la distingue bien ; mais lorsqu'elle va avec une grande vitesse, on ne distingue plus rien en elle. De même l'âme qui demeure en repos auprès de Dieu a une action infiniment noble et relevée ; mais une action très paisible. Plus elle est en paix, plus elle court avec vitesse ; parce qu'elle s'abandonne à l'Esprit qui la meut et la fait agir. n. 2.Cet Esprit n'est autre que Dieu qui nous attire et qui en nous tirant nous fait courir à lui. n. 3.Il n'est donc point question de demeurer oisif, mais d'agir par dépendance de l'Esprit de Dieu qui nous doit animer.De sorte que Dieu agissant infiniment, nous nous laissant mouvoir à l'Esprit de Dieu, nous agissons beaucoup plus que par notre propre action. n. 4.Notre action doit donc être de nous mettre en état de souffrir l'action de Dieu et de donner lieu au Verbe de retracer en nous son image. Une image qui se remuerait empêcherait le peintre de contretirer un tableau sur elle. Tous les mouvements que nous faisons par notre propre esprit empêchent cet admirable Peintre de travailler, et font faire de faux traits. Il faut donc demeurer en paix, et ne nous mouvoir que lorsqu'il nous meut.  n. 5Que cette action soit plus noble, c'est une chose incontestable. Il est certain que les choses n'ont de valeur qu'autant que le principe d'où elles partent est noble, grand et relevé. les actions faites par un principe divin sont des actions divines (a) ; au lieu que les actions de la créature, quelque bonnes qu'elles paraissent, sont des actions humaines ou tout au plus vertueuses, lorsqu'elles sont faites avec la grâce.On ne prétend donc pas de ne point agir, mais seulement d'agir par la dépendance de l'Esprit de Dieu pour donner lieu à son action de prendre la place de celle de la créature. Ce qui ne se fait que par le consentement de la créature ; et la créature ne donne ce consentement qu'en modérant son action, pour donner lieu peu à peu à l'action de Dieu de prendre la place. n. 6.Jésus-Christ nous fait voir dans l’Évangile cette conduite. Marthe faisait de bonnes choses ; mais parce qu'elle les faisait par son propre esprit, Jésus-Christ l'en reprit. L'esprit de l'homme est turbulent et inquiet : c'est pourquoi il fait peu quoiqu'il paraisse faire beaucoup. (a) Marthe, dit Jésus-Christ, vous vous inquiétez et empressez de beaucoup de choses ; mais une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ôtée. Qu'a-t-elle choisi, Madeleine ? La paix, la tranquillité et le repos. Elle cesse d'agir en apparence, pour se laisser mouvoir par l'Esprit de Jésus-Christ. n. 7.(a) Luc, 10, vs. 41-43.Les actes de l'homme sont ou extérieurs ou intérieurs. Les extérieurs sont ceux qui paraissent au dehors, à l'égard de quelque objet sensible ; et qui n'ont d'autre bonté, ni qualité morale, que celle qu'ils reçoivent du principe intérieur dont ils partent.Ce n'est point de ceux-là que j'entends parler ; mais seulement des actes intérieurs, qui sont des actions de l'âme par lesquelles elle s'applique intérieurement à quelque objet, où se détourne aussi de quelque autre.Chap. 22, n. 1.Lorsqu'étant appliqué à Dieu, je veux faire un acte d'autre nature, je me détourne de Dieu et je me tourne vers les choses créées, plus ou moins, selon que mon acte est plus ou moins fort. Si étant tourné vers la créature je veux retourner vers Dieu, il faut que je fasse un acte pour me détourner de cette créature et me tourner vers Dieu : et ainsi plus l'acte est parfait, plus la conversion est entière.Jusqu'à ce que je sois parfaitement converti, j'ai besoin de plusieurs actes pour me tourner vers Dieu ; les uns le sont tout d'un coup, les autres le sont peu à peu ; mais mon acte me doit porter à me porter vers Dieu, employant toute la force de mon âme pour lui.Mais comme l'esprit de l'homme est léger et que l'âme étant accoutumée à être tournée au dehors, elle se dissipe aisément et se détourne, sitôt qu'elle s'aperçoit qu'elle s'est détournée dans les choses du dehors, il faut que par un acte simple qui est un retour vers Dieu, elle se remette en lui : puis son acte subsiste tant que sa conversion dure, à force de se retourner vers Dieu par un retour simple et sincère. n. 2.Et comme plusieurs actes réitérés font une habitude, l'âme contracte l'habitude de la conversion et d'un acte qui devient comme habituel dans la suite.L'âme ne doit pas se mettre en peine alors de chercher cet acte pour le former, parce qu'il subsiste et même elle ne le peut sans y trouver une grande difficulté. Elle trouve même qu'elle se tire de son état sous prétexte de le chercher ; ce qu'elle ne doit jamais faire, puisqu'il subsiste en habitude, et qu'alors elle est dans une conversion et dans un amour habituel. On cherche un acte par d'autres actes, au lieu de se tenir attaché par un acte simple à Dieu seul."Madame Guyon, Le Moyen court, 1686

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