11 juin 2013 : bien que je regarde toujours les anti-réseaux sociaux primaires avec le même œil amusé, il ne m’était plus possible de passer une minute de plus sur Twitter. Je ferme donc mon compte pour la deuxième fois en un peu plus de deux ans. Si la première fermeture était la conséquence d’une dépression nerveuse (donc impulsive et irréfléchie), celle là est mûrie de longue date et définitive.
Ce qui à mon inscription (juin 2009) était une plate forme plutôt ouverte et débridée d’échange sur des centres d’intérêts variés et une source d’informations sur ces derniers s’est changé en une copie accessible et branchée de toutes ces choses plus inutiles les unes que les autres qui inondent nos quotidiens et qu’on nous force à ingurgiter de gré ou de force, entonnoir calé au fond de la gorge et maïs broyé coulant à flot.
Alors qu’il faisait autrefois la part belle aux anonymes sous pseudo, Twitter est aujourd’hui le royaume des comptes vérifiés et des célébrités de tous horizons, que l’on soit blogueur, politique, musicien, humoriste ou tout simplement que l’on fasse partie de la caste des “influents”, ces utilisateurs au nombre insolent de followers qui peuvent changer les TT en une paire de gazouillis. On y passe plus de temps à critiquer et à commenter la télévision et ses dizaines d’émissions minables qui font des cartons d’audience, en n’oubliant pas de souligner à quel point c’est de la merde. On se réjouit d’appartenir à une communauté subversive, indépendante de l’opinion générale, dotée de sa propre conscience et porte-voix des sans voix alors qu’on patauge et se régale avec délectation de toute la misère de la culture et du pouvoir qui de n’a jamais été aussi répandue aujourd’hui. Plus on dispose d’armes puissantes et adaptées pour lutter contre un certain ordre établi et plus on s’y conforme sans se remettre en question, quand bien même cette dernière ne constitue pas une menace pour son équilibre de vie personnel. On n’a rien à perdre mais on refuse de gagner quoi que ce soit
“Ouais mais Twitter on y rencontre des gens super” que je me suis souvent surpris à rétorquer aux sceptiques autour de moi qui peinent à y trouver un quelconque intérêt. C’est vrai, j’y ai pris contact avec certaines personnes que j’ai pu rencontrer à des concerts, expositions, autres événements publics pour lesquels nous avons un intérêt commun. Cela dit, qui sont ces gens? Des amis? Des connaissances? Des cyber-potes? Comment qualifier ceux qui te suivent, te reconnaissent dans la rue, ne te disent pas bonjour puis te twittent qu’ils t’ont croisé? Que restera-t-il de toutes ces blagues échangées, de ces bons plans partagés, de ces gifs rigolos ou crades? J’ai passé assez de temps sur internet pour avoir compris que quand on trouve tout génial, c’est qu’en fait rien ne l’est.
Tout ceci n’est pas nouveau ni révolutionnaire. Tout utilisateur se questionne plus ou moins de la sorte à un moment. Ma critique s’adresse avant tout à moi-même, est le reflet de mon utilisation de Twitter et n’est pas manichéenne : à titre personnel je lui dois beaucoup. Je ne suis pas non plus avec ce billet en train de vouloir “changer les mentalités”, il y a bien longtemps que j’ai perdu cette illusion. Seulement, l’affaire du Prism m’a poussé à me remettre en question. Oui, nous avons déjà passé des années à dévoiler nos vies sur internet en connaissance de cause, à livrer nos données personnelles à des industriels qui les convertissent en milliards de dollars. Mais qu’est-ce qui nous oblige à continuer à nous livrer gratuitement à ces gens. J’ai 24 ans, et s’il m’en reste seulement au moins autant à vivre, ce ne sera pas avec la même négligence que je me livrerai sur le net ni encouragerai mes proches à le faire. L’affaire du Prism montre bien à quel point les enjeux autour des données personnelles sont capitaux.