J’ai découvert l’existence de Pauline Lefevre (alias Pauline Secours) non pas grâce à la télévision, jetée depuis lurette, mais par les réseaux sociaux. C’est finalement la même chose puisque des amis avaient partagé un extrait de chronique « La Vie autrement » diffusée lors de l’émission La Nouvelle édition sur Canal+
Donc Pauline.
N’étant pas très au fait des grilles du paysage audiovisuel français, je crois comprendre que Pauline Secours intervient dans une émission phare de la chaîne cryptée. Mentionner l’écologie, la décroissance, l’économie solidaire, le milieu alternatif… aux heures de grandes écoutes sur des grands médiaux, c’est suffisamment rare pour que l’on s’y arrête.
Les documentaires d’Arte, par exemple le dernier sur la disparition du sable, constituent une maigre exception. Peut-être que depuis Home, le film de Yann Arthus-Bertrand diffusé peu avant les élections européennes, on sait qu’il vaut mieux ne pas trop éveiller les consciences sur notre mode de vie. Ca donne de mauvaises idées dans les urnes le lendemain !
Donc Pauline.
Elle est sympa, elle est jolie, elle est fraîche et un détour wikipediesque m’apprend qu’elle a été Miss Météo, qu’elle a fait du cinéma et d’autres choses encore qui me laissent penser (à tort?) que c’est pas forcément une experte et théoricienne de l’économie circulaire. Elle va pourtant se lancer là-dessus dans sa chronique.
L’économie circulaire ? C’est un peu le mot à la mode en ce moment. Bah oui, il faut nous comprendre, nous les idéalistes qui aspirons à un monde plus juste et plus soutenable : dès que l’on créé un concept, il a vite fait d’être récupéré pour ne plus signifier grand chose. Le meilleur exemple est « développement durable » que plus personne n’ose employer tant il est associé aux pros de la communication chez les grandes entreprises.
En ce moment, le mot serait plutôt « transition » et il désigne aussi bien le festival de la transition que le débat national sur la transition énergétique organisé par le gouvernement… et qui risque de créer autant de déceptions que le Grenelle.
Donc Pauline et l’économie fonctionnelle !
Une amie et journaliste blogueuse a énuméré pas moins de onze termes pour désigner cette « autre » économie :
- économie coopérative (on connaît bien en tant que SCOP)
- économie positive qui se veut réparatrice (et qui donc fonctionne que si on continue à détruire…)
- économie de fonctionnalité (on est sur l’usage et non la propriété, typiquement la location et le libre service)
- économie collaborative (échanges entre personnes)
- économie contributive (chez le docte Bernard Stiegler)
- économie horizontale (entre personnes)
- économie quaternaire, open-source, symbiotique dont vous irez vous-mêmes étudier le contenu…
- la décroissance (qui est plus une décolonisation de l’imaginaire qu’un système économique bien que le thème soit abordé : critique de la publicité, de l’obsolescence programmée, proposition d’une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie couplée à un Revenu Maximum Acceptable…)
- Et donc l’économie circulaire qui en résumé dit halte au jetage et oui au recyclage et à l’éco-conception. Il n’y a pas si longtemps, on appelait cela le cradle-to-cradle. Question de mode !
De mon point de vue, celui qui a le mieux embrassé tous ces concepts est Serge Latouche avec ses fameux R:
Réduire Réutiliser Recycler et donc derrière « réévaluer, repenser, relocaliser etc… » qui au fond est le pendant « conso » de la démarche négaWatt : « Sobriété Efficacité Renouvelable« .
Donc Pauline. (on y vient, on y vient !)
Pauline Secours s’est donc risquée à présenter sur le plateau télé l’économie circulaire. Le petit hic, c’est qu’à côté d’elle il y a l’autre chroniqueur, un économiste du nom de Marc Fiorentino. Pendant 3 minutes Pauline fait un exposé à la Prévert : une machine à café, du jus de choucroute, le marché d’occasion, penser à réparer, déballage de sacs et poufs upcyling !
Et Pauline de conclure que cette économie circulaire nous ferait économiser des milliards d’euros et créerait beaucoup d’emplois. Tralala !
Hélas une fois la parenthèse enchantée terminée, l’économiste intervient et jette un blanc peu habituel sur les plateaux paillettes !
« C’est clairement l’orientation actuelle. Mais si tout le monde achetait d’occasion, on ne vendrait plus de voitures neuves. Et on se plaindrait après que Peugeot soit obligé de licencier. Donc il faut trouver un équilibre.[...]
Si on vivait tous comme ça, y aurait plus d’emplois. »
Suivent donc 3 secondes de blanc avec un sourire gêné de l’animateur qui tente de récupérer la bonne humeur de la télé !
« On a peut-être besoin d’acheter moins de voitures et de réinventer une autre façon de… » risque Pauline pour sauver le coup.
« - Mais il faut expliquer ça aux gens de Renault et de Peugeot… mais on va leur expliquer [point d'ironie]. » rétorque implacablement l’économiste.
Deuxième sourire gêné de l’animateur.
La Nouvelle Edition du 28/05 – La vie autrementHerméneutique et répliques à lancer pour la prochaine fois
Pauline a besoin d’antisèches pour pouvoir moucher ce Marc Fiorentino. Si vous aussi vous avez des idées de phrases brèves et percutantes pour la dépêtrer du mauvais pas dans lequel elle se retrouvera chaque fois qu’elle rêvera un peu devant son collègue économiste.
- Faux problème:
Rappelons déjà que Peugeot sait déjà supprimer des emplois même quand on achète plus de voitures et que les bénéfices sont là.Même les sites de bourses osent titrer : Peugeot veut supprimer 8 0000 emplois pour renouer avec les bénéfices. - Miroir :
Il faudrait que Marc Fiorentino fasse également la leçon aux ingénieurs et décideurs de Peugeot car s’ils optimisent trop leur chaîne de production, il n’y aura plus d’emplois. A trop améliorer les process en réduisant les coûts, on créé du chômage ! - Corollaire :
à cause des tracteurs et des moissonneuses, on a besoin de 100 fois moins de personnes qu’en 1930 pour produire la même quantité de blé. Holà Monsieur Fiorentino, que n’êtes-vous intervenus pour dénoncer ses « progressistes » qui ont supprimé tant d’emplois ! - Variante :
Heureusement qu’il y a des gens pour continuer à jeter leurs mégots et immondices par terre, car si tout le monde était éduqué, il n’y aurait plus d’emplois chez les balayeurs. - Variante trash :
Heureusement qu’il y a des accidents de la route, sinon on supprimerait des emplois chez les urgentistes, les pompiers et les chirurgiens.
Blague à part, j’aime souvent citer ce vieil économiste français peu soupçonnable d’être « alternatif » qu’est Bastiat. Avec sa parabole de la vitre cassée, il a formidablement résumé un principe simple et trop oublié : ce que l’on ne dépense pas chez untel, on le dépense chez un autre. L’argent que le père va donner au vitrier, ce sera aussi de l’argent en moins pour le boulanger. Faut-il casser des vitres pour autant !
Donc ne vous inquiétez pas Monsieur Fiorentino ! Il y a aura toujours des gens pour acheter des choses; c’est juste que nous sommes effectivement assez nombreux aujourd’hui pour avoir envie de dépenser notre argent non plus dans des objets inutiles, polluants ou destructeurs, mais dans « biens » qui font effectivement du bien !
Peu importe comment l’on décide d’appeler cette économie. Que l’on s’appelle Marc ou Pauline, sous savons tous, quelque part en nous-mêmes, que notre mode de vie n’est ni durable ni généralisable. Et que l’argent est un outil fort puissant pour orienter et guider le monde dans lequel nous voulons vivre.
Puissions-nous appeler cela tout simplement l’économie vertueuse.
PS : Je signale une excellente brochure des renseignements généreux appelée « Argumentocs » avec plein d’exemples de clichés « vous voulez revenir au Moyen-âge » etc… et surtout comment y répondre.
Un argumentoc que je préfère est :
« Si ce n’est pas nous moi qui le fais, quelqu’un le fera » à quoi l’on peut répondre : « avec ce genre d’argument, on finit par coucher avec sa soeur ! » Hilarité garantie.