Plongés dans l’actualité immédiate, les observateurs de tous bords, médias compris, sont constamment en grand danger de perdre le recul indispensable ŕ la bonne tenue de leurs commentaires. D’oů l’intéręt de s’en remettre de temps ŕ autre ŕ de grands consultants de haut niveau, disposant d’équipes ŕ la hauteur des défis qui leur sont soumis. Alix Partners entre dans cette catégorie et, ŕ la veille du salon du Bourget, nous soumet une analyse utile. Non pas qu’elle comporte de grandes révélations mais plutôt parce qu’elle confirme et affine des tendances qui dominent l’avenir du secteur aérospatial.
La clef de voűte : une Ťréalité contrastéeť, portée et confirmée par l’actualité telle qu’on peut la vivre au quotidien. Le trafic aérien progresse, entraînant ŕ sa suite la bonne tenue des commandes d’avions commerciaux, mais la rentabilité des compagnies reste faible. Dans le męme temps, le secteur militaire est ŕ la traîne, victime de fortes contraintes budgétaires, pour l’essentiel en Europe et aux Etats-Unis. D’oů une véritable guerre des coűts, les entreprises chassant des contrats en raréfaction. Dans le męme temps, les dépenses progressent en Chine et en Russie, qui représenteront bientôt 32% des dépenses militaires du Ťtop 5ť mondial, contre 17% en 2011. Mais ce sont des marchés difficilement accessibles, ce qui contribue ŕ expliquer dans, dans le męme temps, la concurrence se durcisse dans des pays plus ouverts, ŕ commencer par l’Inde et le Brésil. Lesquels sont précisément ŕ la veille de commander de nouveaux avions de combat.
Considérée dans son ensemble, l’industrie aérospatiale mondiale a progressé l’année derničre de 6,8%, estime Alix Partners, mais la croissance d’avant crise de 2008, n’est toujours pas retrouvée. De plus, les grands fournisseurs de rang 1 ont enregistré l’année derničre un recul de 6,6% qui, lui-męme, a suivi une diminution de 10,2% en 2011. Commentaire d’Eric Bernardini, responsable mondial du pôle aéronautique & défense d’Alix Partners : les changements se multiplient mais Ťc’est la capacité ŕ identifier et anticiper les mutations qui permettra aux acteurs d’assurer une prospérité sur le long termeť. On remarque par ailleurs l’importance considérable acquise par la Ťcyber securityť, en route vers un chiffre d’affaires de plus de 280 milliards de dollars ŕ l’horizon 2022, c’est-ŕ-dire dans moins de 10 ans.
Commentaire tout particuličrement intéressant en matičre de transport aérien, celui qui consiste ŕ anticiper le rapprochement des modčles économiques low cost et traditionnel. C’est en tout cas la remarque que formule Alain Guillot, l’un des responsables de la branche française d’Alix Partners, qui n’hésite pas ŕ affirmer que Ťla vision simpliste des compagnies traditionnelles contre low cost a vécuť. Les tarifs et les horaires ne sont plus les seules clefs de la réussite, dit-il, les passagers attendant désormais davantage que de simples déplacements d’un point A ŕ un point B, les vainqueurs étant ceux Ťqui sauront utiliser des politiques marketing de pointe, en plus de prestations de qualité et efficacesť.
Quoi qu’il en soit, en filigrane, on retrouve encore et toujours la bonne tenue des principaux programmes d’avions commerciaux. Sans citer pour autant Airbus ou Boeing, l’étude d’Alix Partners prévoit une nouvelle augmentation des carnets de commandes, de 45% d’ici ŕ 2017. On devine, puisqu’il s’agit lŕ du court terme, que les nouveaux venus comme Comac et Irkut n’y ont pas –ou pas encore- leur place.
La notion de fusions et acquisitions, qui fut précédemment omniprésente dans l’évolution du secteur aérospatial, sans avoir perdu sa raison d’ętre, est implicitement en retrait, tout simplement parce que les grands regroupements ont déjŕ eu lieu. Aujourd’hui, elle concerne principalement le créneau de l’entretien et de la maintenance (ŤMROť, maintenance, repair, overhaul). Dans l’ensemble, la parole est bien ŕ la discipline, nouveau credo que constitue la réalité contrastée.
Pierre Sparaco-AeroMorning