Dans un contexte d’austérité économique, les récentes affaires de fraude fiscale et l’idée d’un « FATCA Européen » ont relancé le débat sur le secret bancaire.
Le G20 Finances, réuni le 10 mai dernier à Washington, ainsi que l’Union Européenne plaident en faveur de l’échange automatique d’informations. Ce système vise à remplacer le seul standard qui soit actuellement en vigueur au niveau mondial à savoir l’échange d’informations sur demande. La détermination apparue dans les récentes déclarations politiques milite pour une concrétisation à plus ou moins brève échéance.
Une volonté commune de lutter contre l’évasion fiscale
Le 9 avril dernier, plusieurs pays Européens ont adressé un courrier au Commissaire européen en charge de la fiscalité. L’objectif est d’Ĺ“uvrer pour un projet multilatéral d’échange de renseignements inspiré de la législation américaine FATCA et de mettre ainsi fin au secret bancaire.
Jusqu’à présent en Europe, le Luxembourg et l’Autriche ont empêché les 27 d’avancer, mais un tournant vient d’être franchi. La pression exercée par la Commission Européenne s’accroit sur les pays de la liste « grise » établie en 2009 par l’OCDE. Le Luxembourg a annoncé début avril sa participation à l’échange automatique d’informations sur l’épargne des non-résidents dès 2015. Par effet domino, les autorités de Vienne ont fait savoir qu’elles étaient disposées à discuter. La Suisse, quant à elle, après avoir développé de nouvelles dispositions sous le nom d’accords Rubik, s’est dite récemment prête à accepter l’échange automatique d’informations bancaires sur la base d’un standard mondial.
Les principes des accords Rubik
Loin d’être une solution définitive et absolue, ces accords permettent pour le moment à la Suisse de préserver son secret bancaire.
Les accords Rubik se présentent comme une coopération équivalente à l’échange automatique de renseignements et s’inscrivent dans une relation bilatérale avec un Etat membre de l’Union Européenne. A ce jour, la Suisse a signé deux accords avec le Royaume-Uni et l’Autriche et tente de les promouvoir en Europe. Entrés en vigueur le 1er janvier 2013, les accords Rubik se caractérisent par deux dimensions centrales : la régularisation du passé et l’imposition pour le futur de manière anonyme. Ces accords prévoient le prélèvement d’un impôt libératoire à la source sur les revenus du capital (intérêts, dividendes, gains en capital) et sur le capital lui-même, déposé en Suisse par des personnes domiciliées fiscalement à l’étranger.
La Suisse propose ainsi aux Etats Européens de taxer elle-même leurs ressortissants, tout en préservant leur anonymat. Les Etats contractant, en échange d’un accès facilité des banques helvétiques à leur marché domestique récupèrent des impôts sur les comptes non déclarés tout en s’épargnant l’analyse des données et le recouvrement des créances. En effet, ce sont les banques suisses qui prélèvent les sommes sur les comptes, les versent à la Confédération helvétique qui les verse ensuite aux Etats membres. A ce titre, un premier acompte de 500 millions de francs suisses vient d’être versé en début d’année au fisc britannique.
Les limites de ces accords
Le partage de renseignements reste limité car la Confédération ne transmet aucune donnée personnelle aux Etats signataires, permettant ainsi de maintenir la « protection de la sphère privée ». La Suisse obtient aussi une « décriminalisation » de ces ressortissants, car les Etats signataires s’engagent à ne pas poursuivre les détenteurs de comptes suisses pour fraude ou évasion fiscale à l’avenir. Le pays demandeur ne peut connaître que le nom de l’agent payeur auprès duquel les avoirs se trouvent. En ce qui concerne les comptes non régularisés dont les avoirs seraient transférés, les autorités Suisses ne s’engagent qu’à remettre aux autorités du pays signataires la liste des « 10 destinations » majeures de ces comptes dans un délai d’un an.
La plupart des pays ne semblent pas adhérer à ces accords, et ce, à l’heure même où les comptes publics des Etats sont confrontés à la pression des agences de notations. Plusieurs aspects n’ont pas convaincu comme la définition des taux d’imposition, les avoirs sur lesquels s’appliquent ces accords ou encore le contrôle des sommes déclarées revenant aux banques Suisses. L’échec des négociations avec l’Allemagne a d’ailleurs marqué le pas de la stratégie des accords Rubik. La gauche majoritaire au Bundesrat a maintenu son opposition le 23 novembre dernier à l’accord fiscal signé par le gouvernement. La France a également décliné les avances de la Suisse, agacée par le manque de concertation au niveau européen.
Vers une convention Fatca Européenne
La France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie ont récemment annoncé leur volonté d’échanger entre eux les mêmes informations que celles qu’elles transmettront aux autorités américaines et ont inscrit ce sujet à l’ordre du jour du prochain sommet de l’Union Européenne, le 22 mai. L’objectif de cette démarche commune est de pouvoir accentuer la pression sur les pays encore récalcitrants. La mise en place d’un mécanisme européen similaire au modèle de convention FATCA américaine a d’ailleurs réussi à convaincre le Luxembourg de renoncer à son secret bancaire à partir de 2015. Cet accord viserait à pouvoir obtenir toutes les informations sur tous les comptes bancaires, tous les placements et tous les revenus à l’étranger des contribuables.
La Suisse s’est dite prête à accepter le principe d’échange de données bancaires à l’horizon 2015 à condition que des normes mondiales soient créées pour l’échange automatique d’informations impliquant que toutes les grandes places financières coopèrent. Ne plus refuser l’échange automatique d’informations bancaires, revient donc, à priori, à abandonner le secret bancaire, et par la même, à revoir les accords Rubik. La Suisse devra donc décider si elle continue de signer ce type d’accord avec d’autres gouvernements, au risque de se retrouver isolée, ou de se ranger aux règles européennes en obtenant des contreparties de la part de l’Union Européenne. Même si la Suisse reconnaîtrait difficilement une norme internationale venant diminuer la compétitivité de sa place financière ou ne garantissant plus la protection de la sphère privée, sa mise au pilori n’en serait que plus désastreuse.
Les bonnes intentions doivent donc se traduire rapidement en actes. Convaincre le Luxembourg et l’Autriche de coopérer d’avantage marque un point de non-retour. Les pays Européens vont devoir se montrer unis et déterminés dans les discussions du prochain sommet de l’UE pour imposer l’échange automatique d’informations et faire ainsi un pas de plus vers la fin du secret bancaire.
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