« Maman est morte.
Depuis que c'est arrivé, tout le monde s'applique à gommer le mot. C'est à qui utilisera la meilleure périphrase : «Alors, ma pauvre, ta mère n'est plus avec nous», ou «Elle est décédée», «au ciel», «C'est fini». Certains s'aventurent sur le continent de son âme, prétendent qu'elle est plus heureuse là où elle est. Bien malin qui saura le certifier.
Son corps est mort, voilà ce que je sais. Il vient d'être brûlé à mille degrés. De maman, il ne reste plus qu'un vase contenant une poudre blanche.
Du blanc trop blanc, si vous voulez mon avis.
Ce qu'il reste de moi ? Mieux vaut ne pas se poser la question.
Mon amie Marjolaine est la seule capable d'utiliser le mot tabou.
- Comment ça, ta mère est morte ? J'ai à peine eu le temps de partir en vacances que clac, tout est terminé ?
Il y a un mois, tout allait bien. Quatre semaines ont suffi pour que clac, l'affaire soit réglée. Je suis devenue orpheline - l'autre gros mot est lâché -, ainsi que mon frère Gaspard, dix-sept hivers, et ma sœur Joséphine, dix-neuf printemps. »
Chloé a 15 ans et elle va tenter de continuer à vivre sans la présence rassurante – même si parfois énervante – de sa mère. Le père a refait sa vie au bout du monde et même s’il vient à l’enterrement et appelle ses enfants de temps à autre, il est littéralement sur une autre planète et ne les soutient donc que de très loin.
C’est la grande sœur qui hérite de la tutelle de ses deux cadets, une charge qui je l’imagine doit être bien éprouvante pour quelqu’un de si jeune, d’autant plus qu’elle est en première année de médecine. Elle doit organiser et affronter le quotidien et est responsable de la bonne marche de ce qu’il reste de la famille, mais son statut d’ainée ne lui confère pas tous les droits et Chloé ne se prive pas de lui rappeler qu’elle n’est pas sa mère !
Alors tant bien que mal, cahin-caha, chacun des trois enfants va continuer son petit bonhomme de chemin, s’efforçant de grandir malgré l’absence de leur maman. Sauf qu’elle n’est pas partie sans rien, mais leur a laissé à chacun 5 lettres : 5 lettres comme celles qui constituent le verbe aimer, mais aussi 5 vraies lettres de papier que le notaire leur donne une fois l’an lors du triste anniversaire de sa mort, juste avant Noël.
J’ai bien aimé ce roman qui s’avère léger et pas du tout pesant à lire malgré le deuil auquel sont confrontés ses grands enfants. Chloé se bat, déprime parfois, se cherche, se rebelle, change d’avis, teste les limites. Bref, elle a tout de l’ado parfaite avec en plus cette peine immense à gérer de ne plus avoir sa maman pour la soutenir, la guider ou même pour s’opposer à ses lubies ou ses crises. J’ai beaucoup aimé également l’amour omniprésent dans cette fratrie. Certes, les frères et sœurs se chamaillent parfois, se rejettent la responsabilité du linge à laver ou des courses à faire, mais on sent un vrai, fort lien entre eux et le fait que la notion de famille est à leurs yeux importante.
J’ai été plus surprise par le contenu des lettres de la mère, qui ont d’ailleurs laissé perplexes ses enfants. Je m’interroge aussi sur ce rendez-vous annuel chez le notaire pour récupérer les lettres, qui à mon sens remue le couteau dans la plaie, ravive la morsure de la peine. De plus, le lecteur n’a que peu de détails sur ce que ressent Chloé profondément et j’aurais aimé un peu plus de profondeur – ne pas voir uniquement la vie au quotidien, mais aussi entrer un peu plus dans les têtes et les cœurs. Dommage également qu’on n’ait que le contenu des lettres de Chloé, car même si le roman est centré sur elle, il aurait été intéressant de mieux cerner les personnalités du frère et de la sœur, dont les positions d’ainée et de fils unique ne sont à mon avis pas du tout faciles.
Malgré cela, c’est un roman agréable, avec pas mal d’humour malgré le sujet grave, que j’ai déjà posé discrètement sur la PAL de ma fille…