Ces semaines-ci sortent pas mal de livres couverts il y a parfois bien longtemps ici-même et je m'en voudrais de ne pas vous diriger sur ce que j'en avais dit alors. Je préfèrerais ne vous offrir que du contenu nouveau, mais la triste vérité est qu'il me manque la concentration et peut-être surtout la forme physique pour le faire de façon satisfaisante. J'espère poster un papier sur "Constellation" de Alain Lacroix d'ici à jeudi ainsi que d'évoquer Sorrentino et Coover dans les semaines qui viennent. On parlera peut-être d'Alan Pauls aussi et il faut vraiment que je vous parle du "Afterpop" de Eloy Fernández Porta mais pour ça il me faudra être mentalement frais. In the meantime...
Martin Amis - La maison des rencontres (Gallimard)
Au-delà du goulag, il s’agit d’un portrait de la Russie, pays trop grand, Etat trop artificiel pour être maintenu autrement que par la violence. C’était vrai au dix-neuvième siècle, ça l’était bien sûr sous l’URSS, et c’est toujours le cas de nos jours. Le narrateur revient dans son pays au moment de la prise en otage de centaines d’enfants par des tchétchènes en Ossétie du nord. Ca finira évidemment en bain de sang, et le récit de cette boucherie revient constamment en toile de fond. Le portrait dessiné par Amis est sombre, sans espoir.
« House of meetings » pourrait, de prime abord, paraître trop glauque. C’est une erreur. Il est certain qu’il s’agit d’un livre dur, mais il ne se complait pas dans la cruauté. De plus, l’histoire est illuminée par une prose absolument fabuleuse. On sait qu’Amis est un grand écrivain, mais, cette fois-ci, il abandonne l’alternance du « high brow » et du « low brow » pour se concentrer sur l’élégance des phrases, sur la beauté de la langue. On ressent l’influence nabokovienne.
Lloyd Jones - Mister Pip (Michel Lafon)
Dans une petite île perdue du Pacifique, une rébellion fait la guerre à une armée importée, laissant la population locale bloquée sur place dans la crainte d’attaques et d’exactions. Le seul blanc à être resté – il est marié à une locale- est un personnage étrange et mystérieux pour les enfants de l’île auxquels il décide de donner classe en lisant « Great Expectations ». On ne fera pas le détail des péripéties du roman, disons juste qu’entre l’amour des mots et celui de Dickens, il y a des moments de très grande brutalité venant rappeler que si la littérature peut parfois beaucoup, ce n’est pas en elle qu’on parviendra à survivre à de telles conditions. Il y a quelques beaux moments dans le livre de Lloyd Jones – le prof blanc contant sa vie aux rebelles, mélangeant passages authentiques, extraits de « Great Expectations » et anecdotes du village dans une sorte de salmigondis littéraire assez intelligent, par exemple- mais disons qu’à la fin de la lecture, on a toujours faim.