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« A moi seul bien des personnages », de John Irving

Par Wtfru @romain_wtfru

Un livre plus qu’attendu et plein de promesses pour tous les lecteurs assidus d’Irving (et les autres aussi d’ailleurs). L’auteur du Monde selon Garp nous offre encore une fois un roman à la hauteur de nos attentes, dont les 500 pages ne sauraient nous rassasier.

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« Je commencerais bien par vous parler de Miss Frost. Certes, je raconte à tout le monde que je suis devenu écrivain pour avoir lu un roman de Charles Dickens à quinze ans, âge de toutes les formations, mais à la vérité, j’étais plus jeune encore lorsque j’ai fait la connaissance de Miss Frost et me suis imaginé couché avec elle. Car cet éveil soudain de ma sexualité a également marqué la naissance tumultueuse de ma vocation littéraire. Nos désirs nous façonnent : il ne m’a pas fallu plus d’une minute de tension libidinale secrète pour désirer à la fois devenir écrivain et coucher avec Miss Frost – pas forcément dans cet ordre d’ailleurs »

Billy naît dans une famille de comédiens, aussi bien sur les planches que dans la vie. Entre mensonges, secrets et intolérance, l’enfant tourmenté doit se faire une place.

Un père absent, à la réputation de coureur de jupon, et une mère abîmée par la vie, que l’on prend en compassion au début du roman pour mieux la mépriser par la suite, Billy ne peut trouver de réconfort qu’auprès de son grand-père, travesti refoulé qui ne s’assume que lors de ses représentations théâtrales, où il incarne des rôles féminins.

L’arrivée de son futur beau-père, Richard Abbott, va marquer le début des questionnements du jeune enfant. Celui-ci va développer une véritable attirance pour son beau-père, un béguin contre nature qu’il ne peut refréner. Dans le même temps, Billy ne peut ménager sa passion pour la bibliothécaire du quartier, femme forte aux seins juvéniles et à la réputation scandaleuse…

Au fil des pages, on suit l’évolution du jeune enfant qui devient jeune homme. De fantasmes inavoués en expériences inavouables, de magazines de lingeries trafiqués en romans dévastateurs, Billy assume peu  à peu son statut de « suspect sexuel ». 

Attiré par les hommes, le futur écrivain s’aperçoit que le sexe des femmes ne se résume pas qu’à un « hall de gare », et déborde de passion pour les attributs de la gente féminine. Il enchaîne alors les histoires, les conquêtes et les amourettes, toutes racontées avec une puissance et une sensibilité qui ne laisse pas indifférent.

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On ne sait dire à quel moment on arrête de dévorer le roman pour se laisser dévorer par le roman lui-même. John Irving s’emploie à un véritable manège entre des scènes burlesques, qui nous décochent un sourire voir un léger rire, et des scènes profondément touchantes et d’une tristesse intense, notamment lorsqu’il aborde les ravages du Sida dans les années 80. A travers ce livre, l’auteur dévoile aux yeux de tous, et de manière poétique, des questionnements sur une sexualité encore tabous, qui subit son lot d’intolérance et d’injustice. 

A moi seul bien des personnages met en scène les thèmes récurrents de l’œuvre d’Irving, le père absent, la lutte, la vie d’un jeune sur un campus universitaire, la relation d’un jeune homme avec une femme plus âgée, le théâtre de Shakespeare, l’avortement… Un roman qui, sans être autobiographique, s’inspire indéniablement de l’enfance douloureuse de l’écrivain. 

En définitive, John Irving nous livre une fois de plus un récit saisissant et théâtral, le genre de livre qu’on ne peut plus lâcher dès les premières pages.


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