Le seul polar d'un acamédicien oublié...
Le mot de l'éditeur
La dernière grande oeuvre d'Edouard Estaunié, l'une des plus ingénieusement construites et aussi celle où le mystère des âmes, rendu plus épais dans un milieu provincial réticent, explose en un drame "policier".
Critique
Edouard Estaunié est un romancier "provincialiste", se disant principalement influencé par Balzac. L'auteur était ingénieur de formation, devint inspecteur général des postes, et fut élu sur le tard à l'Académie française. Une passion, l'écriture "régionaliste". Un gagne-pain, l'administration.
Ce qu'il y a d'épatant dans ce roman, c'est qu'il ne date pas. Entendons-nous: la société provinciale des années trente nous semble surréaliste tellement les moeurs sentent l'étriqué, mais la force des sentiments n'a pas pris une ride.
La vie de deux vieilles filles va être bouleversée par l'apparition chez elles d'une nouvelle locataire, pas loquace pour un sou, qui va ensuite se suicider dans sa chambre. Suicidée, oui, mais avec un sourire de contentement sur le visageL Là est tout le drame: comment peut-on se suicider et en garder un sourire ? Enquête d'une des deux vieilles filles... La réponse nous sera soigneusement cachée jusqu'au dénouement, inattendu et terrible.
Il ne s'agit pas à mon sens d'un roman "policier" mais d'un roman noir, voire noir entre tous. Secrets épouvantables, vie toute entière tournée vers le crime, lui même instrument obligé d'un but sublime. Estaunié se disait fils de Balzac, et c'est bien "La cousine Bette" ou "Le père Goriot" que nous retrouvons ici: une province d'un égoisme brut, des êtres sans humanité aucune à moins qu'hélas ils ne soient trop humains, l'animalité à l'état sauvage. Ce roman m'a fortement remué, car on sent que cette histoire hallucinante a sans doute sa part de réalité.
A (re)découvrir d'urgence.