Only God Forgives

Publié le 08 juin 2013 par Olivier Walmacq

Le frère de Julian meurt et sa mère compte bien se venger à travers son fils. Sauf que les choses sont loin d'être aussi faciles...

La critique Jodoroskienne de Borat

S'il y a bien un film qui excite particulièrement la Croisette cette année, c'est bel et bien le retour de Nicolas Winding Refn. Dans une compétition pour le moins auteurisante et assez sobre, un bon coup de fouet dégueulasse change un peu la donne. Malgré le succès de Drive, Winding Refn n'a pas tenu à faire une production hollywoodienne et certains financements viennent de notre beau pays (Gaumont et Wild Bunch sont derrière le projet). A certains qui croient que l'ami Ryan Gosling s'est imposé de lui-même dans Only God Forgives (que l'on n'arrête plus, puisque sa compagnie d'assurance n'a pas voulu le lacher à Cannes car il tourne sa première réalisation), puisque Luke Evans devait incarner le héros mais a dû partir pour tourner The Hobbit. Après "l'homme aux cure-dents", "l'homme qui clope non stop" ou "l'homme qui a la classe avec un t-shirt à l'envers", l'ami Ryan peut désormais se faire appeler "le plan B"! On s'amuse, on s'amuse mais parlons plutôt du film. A ceux qui croient à un "Drive bis", rassurez-vous ou arrêtez-vous (c'est selon les sensibilités) car on n'est pas du tout dans le même genre que son précédant film. On peut même dire qu'on revient à une contemplation à la Valhalla Rising.

Mieux, Winding Refn cite ouvertement un certain Alejandro Jodorowsky puisqu'il lui dédie son film. Ironique quand on sait que le réalisateur de La montagne sacrée est particulièrement présent sur cette édition de la Croisette. Particulièrement un certain Santa Sangre. En effet, les deux films ont une vraie consonnance avec le rôle de la mère. Kristin Scott Thomas incarne également une mère pour le moins impulsive et ne marchant que sur l'émotion du moment. En l'occurence, son arrivée n'est pas pour aider son fils (comme c'est le cas du pauvre Fenix), mais pour lui faire faire une mission banale mais dangereuse: s'occuper des meurtriers de son frère. Mais comme Fenix, Julian sait que ses actes ne mèneront à rien de bien concluant, d'autant que son frère est loin de n'avoir rien à se repprocher (il a violé et tué une prostituée, après avoir tabassé le patron d'un bar à hôtesses et certaines d'entre elles). La Mère interfère dans toutes les actions du héros, au point de devenir son pire ennemi. Plus que l'adversaire physique que ce flic indestructible et juge impitoyable (une sorte de Judge Dredd qui préfère parler les armes blanches que le flingue), un adversaire morale et qui perturbe chacune de ses actions. 

Enfin, l'un des plans du final devrait rappeler à certains un découpage particulier. Si l'ami Ryan se révèle peut être trop monolithique (il ne doit avoir qu'une dizaine de phrases et encore je suis gentil) au point de se caricaturer un peu, Scott Thomas bouffe littéralement l'écran. En quelques scènes, elle réussit à interpréter une sorte de Tony Montana en féminin qui dégomme le spectateur à coup de punchlines savoureuses. La scène du dîner est absolument fabuleuse, Scott Thomas dégommant son fils sur la taille de son organe sexuel (où comment Ryan Gosling reste pantois quand on lui dit qu'il a un petit membre!) quand ce n'est pas l'escort-girl qu'il a ramené (heureusement pour elle, la jeune fille a du répondant). Pareil pour Pansringarm qui tétanise à chacune de ses apparitions et dont on sait très bien que cela va mal se finir à chaque fois. Le personnage, malgré son incroyable violence, se révèle finalement posé et l'interprétation vise juste. C'est un type faisant son travail quand ses collègues ne savent quoi faire. Et autant dire que quand il est là, sa sentance est irrévocable! Le genre qui vous coupe une main et va aller chanter dans un karaoké après!

Néanmoins, Winding Refn risque de décontenancer sérieusement ses adeptes les moins aguéris (en d'autres termes, ceux qui ne connaisse le réalisateur uniquement par Drive) avec ce cru qui prend le contrepied total de son film (indépendant) hollywoodien. Winding Refn signe un film au rythme lent et contemplatif qui rappelle un certain Terrence Malick (ironie quand on sait que Gosling a tourné dans son dyptique), le réalisateur s'attardant sur des visages ou même des lieux par la photographie jouant sur les couleurs. Mais là où le réalisateur fait fort c'est quand il aligne l'image avec le son. C'est le cas lors de l'affrontement tant attendu entre Gosling et Vithaya Pansringarm, dont on sait plus ou moins le résultat (combien de photos a-t-on vu de Gosling avec une tête pleine d'équimose et autre oeil au beurre noir?). Reste que la baston se révèle redoutable et fracassante, Winding Refn laissant construire la tombe de Julian en le faisant continuer un combat perdu d'avance. Il y a aussi cette proportion à montrer des séquences souvent vides de sens ou tout du moins des plans qui mettent le héros dans un contexte étrange. C'est le cas de ces visions où l'obscurité devient l'occasion pour l'enfer de l'emporter et cela par son point faible. Sans compter la connotation sexuelle où l'ami Gosling ne fait que contempler sans jamais réellement obtenir le désir charnel. Par contre, si vous le pouvez, regardez-le en VO; la VF étant franchement lamentable entre la voix à côté de la plaque de Gosling (ce n'est pas Alexandre Gilet qui le double) et celle de Scott Thomas (l'actrice franco-britannique ne s'est pas doublé pour le coup).

Un cru très étrange et qui ne plaira pas à tout le monde, hommage volontaire et superbe à Jodorowsky. 

Note: 17/20