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« Les Manœuvres d’automne », de Guy Dupré

Publié le 08 juin 2013 par Savatier

« Les Manœuvres d’automne », de Guy DupréLa publication en librairie, même à l’occasion d’une réédition, d’un texte de Guy Dupré (né en 1928) est toujours un événement littéraire. Car cet écrivain, dont l’œuvre se limite à quelques titres, compte parmi les plus importants de sa génération. A l’heure où la scène éditoriale continue de proposer des « autofictions » pénibles, suintantes de bons sentiments comme de mauvaises confidences et, le plus souvent, écrites avec les pieds, il est réjouissant de savourer l’écriture somptueuse – l’épithète n’est pas usurpée – de Guy Dupré.

Dans Les Manœuvres d’automne (Bartillat, collection Omnia, 248 p., 13 €) l’auteur livre des fragments de souvenirs, non à la manière d’un mémorialiste, mais par touches successives ; à travers une étonnante galerie de portraits, il sème pour ses lecteurs de petits cailloux autobiographiques ciselés comme des pierres précieuses. Les figures de Sunsiaré de Larcône (et, donc, de Roger Nimier), de Maurice Barrès, d’Anna de Noailles, de l’énigmatique « Louise de Prusse », de Milosz, de Maxime Weygand, de Maurice Rostand, de Charles de Gaulle, de François Mitterrand ou de Julien Gracq sont ainsi évoquées, parmi d’autres.

« Les Manœuvres d’automne », de Guy Dupré
Anecdotes, évocations personnelles servent de cadre à une réflexion qui porte autant sur l’Histoire que sur la Littérature, sans compter ces portraits savoureux, comme croqués sur le vif, d’où l’humour, parfois féroce, n’est jamais absent. En témoigne celui de Cécile Sorel : « J’écouterais la bouche sur laquelle "l’ennemi des lois" s’était penché ; je regarderais le visage tuméfié et confit dans l’alcool de la gloigloire, le corps d’où s’étaient détachées comme des écailles les mains des amants d’antan, et qui exhalait une très légère odeur de cabillaud. » Ou cet autre, de Madame Simone : « Sur son âme impériale, l’extrême longévité n’avait posé qu’une fine pellicule ; née très ancienne, elle mourrait inchangée. » Ou cet autre encore, d’une certaine Véronique : « Les yeux très faits et sans rouge sur les lèvres, elle approchait de la quarantaine avec une extrême prudence, à la lenteur royale de ses jambes de statue, lançant d’abord la cuisse en avant, comme les grands félins filmés au ralenti, le mollet et le pied suivant avec souplesse. » Celui de Paul Morand, exécuté en un tiers de page (p. 117) ne décevra pas davantage les lecteurs qui le découvriront.

Peu d’auteurs, de nos jours, sauraient tenir la plume d’une main aussi magique que Guy Dupré.

Illustration : Sunsiaré de Larcône, photographies.


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