Pour cette deuxième semaine de juin, Case Départ vous propose sa sélection d’albums de la semaine. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : Une rencontre authentique entre indiens et gitans au coeur de l’album Camargue Rouge, La vie amusante d’un père divorcé avec sa fille dans Une semaine sur deux, Le marchand d’éponges un beau polar signé Fred Vargas et Edmond Baudoin, un récit historique teinté de fantastique avec Le cavalier suédois, une biographie dessinée Joseph Carrey Merrick connu sous le nom d’Elephant man, Temudjin qui conte le récit initiatique d’un jeune homme et un album humoristique sur des aviateurs Les Dézingueurs. Bonnes lectures !
Camargue rouge :
une rencontre incroyable
entre Indiens, Gitans et Guardians
Pour la tournée de son célèbre spectacle Wild West Show en Europe, William Cody, plus connu sous le nom de Buffalo Bill, engage des indiens Lakota, dont la vie dans les réserves du Dakota du Sud est difficile.
Après une délicate traversée de l’Atlantique par bateau, la troupe débarque en Angleterre pour quelques représentations. Le show continue triomphalement à Paris. Très impressionné par le spectacle si original pour la France, le Marquis de Baroncelli rêve d’une représentation dans la région marseillaise. Accompagné de Mario, il fait la connaissance de Shania, une indienne Lakota qui parle anglais et un peu le français. Son rôle important d’interprète sera essentiel dans l’interface entre les habitants et les indiens.
Deux mois plus tard, le Wild West Show est un énorme succès à Marseille mais il est temps pour ce dernier de continuer sa tournée en Italie. Mais un incendie, qui tombe à point nommé, se déclare et la troupe doit prolonger son séjour en Camargue. Un rapprochement s’opère alors entre les Lakota et les manadiers. Les traditions des uns vont se mêler à celles des autres, pour le plus grand bonheur de Shania et Mario qui se rapprochent et tombent amoureux.
Michel Faure propose à Jean Vilane d’adapter en bande dessinée Camargue Rouge ; c’est une très grande réussite et une très belle histoire plein d’optimisme. Bien écrite et documentée, la triple rencontre entre indiens, camarguais et gitans est formidablement mise en images par le dessinateur. Par les magnifiques planches, le lecteur perçoit que Michel Faure apprécie de dessiner les chevaux, la Camargue ou les cultures indiennes. Les couleurs illuminent ce récit dont le thème est très original. Le lecteur regrettera même que ce one-shot ne soit pas décliné en série, tant l’histoire est prenante.
- Camargue rouge
- Auteur : Michel Faure, d’après un conte de Jean Vilane
- Editeur: Glénat
- Prix: 15.50 €
- Sortie: 22 mai 2013
Une semaine sur deux :
la vie amusante d’un père célibataire.
En février 2012 paraît le premier tome d’Une semaine sur deux écrit et dessiné par Pacco. Cet album, qui a connu un joli succès, évoquait avec beaucoup d’humour et de tendresse, les aventures d’un jeune père et de sa fille Maé. Séparé de la mère de son enfant, Pacco nous livre des petites saynètes sur sa vie quotidienne.
Dans Je suis ton père, l’auteur invite le lecteur à découvrir avec malice, sa vie d’homme et sa vie de père partagée une semaine sur deux.
Lui : Pacco, la trentaine, geek, surfeur, dessinateur de bandes dessinées, amoureux de Margaux et maître-jedi à ses heures perdues. Sa seule obsession : ne pas arriver le dernier à l’école.
Elle : Maé, 7 ans, mini-tornade, aime se déguiser, aime se battre avec les garçons, dévoreuse de Mac Do, très joueuse. Sa seule obsession : faire tourner son père en bourrique.
Ce duo de choc rivalise de bêtises pour notre plus grand plaisir. Pacco réussit à nous faire partager ses doutes et ses lubies de père mais il tourne toujours cela en dérision. D’ailleurs lorsqu’il souhaite être sérieux, personne ne le prend au sérieux. On sourit et on rit beaucoup de ces scènes de la vie courante, quelques unes nous renvoient à nos propres expériences. Cet album autobiographique d’une grande tendresse et d’une belle sensibilité.
- Une semaine sur deux, tome 2 : Je suis ton père
- Auteur : Pacco
- Editeur: Fluide Glacial
- Prix: 14 €
- Sortie: 29 mai 2013
Le marchand d’éponges :
Fred Vargas sous le trait d’Edmond Baudoin
Edmond Baudoin a décidé d’adapter une nouvelle de Fred Vargas, Cinq francs pièces. Afin de s’approprier cette histoire, il en a changé le titre en Le marchand d’éponges. Avec toute la force de son trait, il conte le récit d’un SDF témoin d’une tentative de meurtre.Pi est un clochard, vendeur d’éponges. Accompagné de son chariot qu’il a prénommé Martin, il sillonne les rues afin d’écouler sa marchandise. Ces 9732 éponges, le SDF les avait découvert dans un hangar abandonné. Vendue 1€ pièce, il rêve de faire fortune grâce à cela ; mais peu de personne en achète.
Un soir, alors qu’il allait s’endormir sur une bouche de métro, Pi est témoin de la tentative de meurtre d’une jeune femme. L’enquête est confiée au troublant commissaire Adamsberg, qui interroge le clochard sur ce qu’il aurait pu entrevoir lors du coup de feu. Au fur et à mesure, le lecteur découvre le portrait d’un homme brisé par la vie, l’alcool, le froid et la faim.
La nouvelle de Fred Vargas, maître du polar et du suspens, est très en phase avec notre monde. L’univers des commissariats et des SDF semblent très proches de la réalité. Edmond Baudoin, maître du noir et blanc, réussit admirablement à restituer ses deux univers : le côté presque inhumain de Pi mais aussi le côté inhospitalier d’un commissariat de quartier ; comme si ces deux mondes sombres ne faisaient qu’un. Le prix attractif du livre et ses traitements graphique et narratif attireront simultanément le lectorat de la romancière et celui du dessinateur.
- Le marchand d’éponges
- Auteur : Edmond Baudoin, d’après une nouvelle de Fred Vargas
- Editeur: Librio
- Prix: 5 €
- Sortie: 22 mai 2013
Le cavalier suédois : un élégant récit fantastique.
Après L’invention de Morel de Adolfo Bioy Casarès, Jean-Pierre Mourey signe une nouvelle adaptation de roman. Publié en 1936, Le cavalier suédois de Léo Perutz met en scène la rencontre d’un déserteur de l’armée suédoise et un voleur au 18e siècle.
Au début de ce siècle, les troupes de Charles XII de Suède triomphent de l’armée russe de Pierre le Grand. Par ce fait d’armes, le roi étend son pouvoir sur la Pologne et le Danemark. C’est dans ce contexte guerrier qu’un déserteur, Christian Von Tornefeld, rencontre un voleur, en Silésie, non loin de la frontière polonaise. Tornefeld, suédois, a déserté l’armée de Pologne pour rejoindre celle de Charles XII. Le voleur, quant à lui, veut échapper à la potence, ainsi qu’à L’enfer de l’évêque, un lieu où le gîte est assuré au prix d’un vie de forçat. Ensemble, ils vont trouver refuge dans un moulin hanté. Aidé d’un fantôme, le voleur va échafauder un plan pour usurper l’identité de Christian. Il deviendra ainsi le Cavalier Suédois.
L’oeuvre de Léo Perutz, écrivain pragois , né en 1882, comprend une douzaine de romans dont un très grand nombre est basé sur des récits historiques à la tonalité fantastique. Jean-Pierre Mourey livre un album élégant et efficace, même si le lecteur peut éprouver quelques difficultés à entrer dans l’histoire. Le récit teinté de fantastique et le trait anguleux de l’auteur peut aussi désarçonner. Le parti-pris de colorisation (vert-jaune-violet-gris) est, quant à lui, original.
- Le cavalier suédois
- Auteur : Jean-Pierre Mourey, d’après une nouvelle de Léo Perutz
- Editeur: Les Impressions Nouvelles
- Prix: 20 €
- Sortie: 23 mai 2013
Joseph Carrey Merrick :
la vie d’Elephant Man en bande dessinée
Le 05 août 1862 naissait à Leicester celui qu’on surnommerait plus tard Elephant Man. Avec Joseph Carey Merrick, Denis Van P. relate la vie si singulière d’un homme déformé par une maladie inconnue pour l’époque. Biographie précise et documentée, ce livre est un hymne à la différence.Difforme dès sa petite enfance, Joseph Carrey Merrick est infirme à l’âge de cinq ans à la suite d’un accident. Le début de sa vie est délicate, entre quolibets et passages à tabac par les autres enfants ; son destin sombre le poursuit. Sa mère décède alors qu’il a onze ans et sa belle-mère le rejette ; elle le contraint même à travailler à douze ans puis son père l’expulse du domicile familial. Il est placé à l’hospice Saint-Joseph mais il se sent de moins en moins à l’aise, il décide de partir. Un propriétaire de music-hall, Sam Torr, il est exhibé dans plusieurs villes tel un animal de foire. Tom Norman, un impresario véreux, le prend alors sous son aile. Sa maladie évoluant, il échappe à sa vie médiocre et rejoint alors le professeur d’anatomie Frederick Treves, qui lui permet de terminer sa vie de façon plus douce.
La vie de Merrick fut portée l’écran par David Lynch, dans les années 80. Après ce sublime film que des générations connaissent, David Van P, s’attaque donc à un véritable défi : adapter cette vie si sombre en album. Avec l’aide de Serge Perrotin, il met en images une histoire dramatique à l’époque victorienne, une vraie biographie très documentée. Le récit est fluide et la lecture est efficace ; mais un bémol demeure, le trait très rond de l’auteur n’est pas très adapté à cette histoire d’une grande noirceur. Le lecteur sera néanmoins impressionné par cette vie hors-norme.
- Joseph Carrey Merrick
- Auteur : David Van P.
- Editeur: Sandawe
- Prix: 16.95 €
- Sortie: 22 mai 2013
Temudjin ou le destin d’un homme extraordinaire
Temudjin est un album de Antoine Carrion qui décrit d’une manière onirique le destin d’un jeune garçon, dont le but est d’unifier les peuples mongols. Par ce récit, l’auteur raconte le parcours initiatique de ce célèbre personnage, alors qu’il est enfant. Alors qu’il en a le prénom, il n’est pas exactement Gengis Khan…
Temudjin est un enfant qui naît sous une yourte aux confins de la Mongolie. Fruit d’une femme engendrée par un loup démoniaque, il aura un destin exceptionnel comme le voit le Chaman Ozberg. Tous les signes sont là : un caillot au creux du poing, un troisième œil, la protection et le soutien des esprits. Sa mère ne survit pas à sa naissance et Ozberg sera alors son protecteur. Si le jeune enfant est l’élu, il devra faire ses preuves, passer des épreuves initiatiques. Protégé par les esprits des animaux et des monstres, il chemine, se questionne pour accomplir sa destinée, à savoir : réunir à nouveau les clans mongols déchirés par des luttes intestines. Son destin sera similaire à celui de Gengis Khan, qui porta le même prénom il y a de cela bien des générations.
Entourée de la magie multi-séculaire de la Mongolie, le chaman et Temudjin errent sans but. Le vieil homme prépare le jeune homme à prendre sa place, sentant sa mort arriver. Seul, il tombe amoureux de l’Esprit de l’arbre, un être particulier. Mais il a toujours en tête son but : réunifier les clans pour pacifier le pays.
Teinté de fantastique, ce récit onirique d’Antoine Ozanam est une belle réussite. Ce parcours initiatique, mêlant les légendes et un fabuleux voyage, est fort et complexe. Antoine Carrion a réalisé entièrement cet album à la palette numérique impressionne par la force des mouvements et les décors somptueux. Les couleurs élégantes contribuent au bel aboutissement de Temudjin.
- Temudjin
- Auteurs : Antoine Ozanam et Antoine Carrion
- Editeur: Daniel Maghen
- Prix: 18.50 €
- Sortie: 17 mai 2013
Les Dézingueurs se font la belle.
Les Dézingueurs est une série d’Hervé Richez et Jean Barbaud. Dans le troisième tome, Appâts de sushi, les Boys du Squadron Zero-Zero Vultures n’ont qu’une obsession : s’évader du camp de prisonniers où les Japonais les ont parqués. Un album humoristique où les aviateurs jouent les cassecoucous.Warthog, Radada, Swimbad et leur leader Bogoss font partis d’une escadrille de choc de l’US Air Force mais sont de vrais as de la tôle froissée. Ils vont de déconvenues en déconvenues et font les pires bêtises qu’un pilote pourrait faire. Dans le deuxième tome de la série, Coureurs de nippons, les héros-aviateurs sont faits prisonniers des Japonais, dans la base de Matahari, l’as japonais. Le but de ces casse-cous dans ce nouvel opus est de s’évader par tous les moyens. Mission compliquée, car il faut tromper la vigilance des gardiens de miradors et éviter les kamikazes qui n’hésitent pas à s’entraîner sur les fugitifs.
Hervé Richez, dont Case Départ vous a parlé lors de la sortie de l’album Mafia Tuno, excelle dans ce style de série humoristique. Le trait de Jean Barbaud, dont Case Départ avait fait un très joli portrait en vidéos en visitant son atelier, se marie parfaitement avec le récit de ses sous-doués du pilotage. Les couleurs d’Afroula, la compagne du dessinateur, réhaussent les belles planches de ce discret mais talentueux auteur.
- Les Dézingueurs, tome 3 : Appâts de sushi
- Auteurs : Hervé Richez et Jean Barbaud
- Editeur: Bamboo
- Prix: 10.60 €
- Sortie: 29 mai 2013