"Je l'observai à la dérobée. Ma fascination induisait une distance et interdisait tout désir. Alda représentait ce monde romanesqueà travers lequel je m'étais si souvent évadé de ma vie, cette vie où les enfants criaient et n'étaient jamais sages, où les femmes charnelles jusque dans leur lassitude, ne cachaient rien de leurs peurs ni de leurs pleurs, cette vie où les hommes montraient trop volontiers leurs biceps."
Alda est belle, aimante, aimée, amie, mère de deux jeunes garçons sympathiques, David et Jean. Richard, son mari, semble assez indifférent à son charme. Assistée de Pauline, la jeune fille au pair, la famille passe l'été en sa magnifique bastide provençale, sise près de Saint-Rémy.
Sur ce qui semble un coup de tête, Alda a invité Louis et Lucy, un jeune couple croisé à l'exposition Rohtko, à s'installer dans la maison d'amis qui jouxte la propriété. Elle sent en Louis - le narrateur - l'étoffe d'un écrivain et veut l'encourager en cette voie.
"Moi, je ne voyais que son air de sortir d'un roman de Scott Fitzgerald. Autour d'elle, tout s'organisait avec grâce: une ombre caressait son visage comme un voile de soie, une brise soufflant dans ses cheveux, toujours du bon côté, l'un ou l'autre de ses fils l'enlaçant d'un bras souple et opposant sa beauté à celle de sa mère, les regards admiratifs de Lucy ou Pualine, la lueur d'une bougie se reflétant dans ses yeux et laissant surgir un incroyable éclat au milieu de la nuit, mais aussi une mélancolie tapie derrière l'élégance"
Shakespearien en son titre, olmien en son traitement - Alda est de ces personnalités lisses dont l'écrivain scrute par touches répétées, bienveillantes, les failles de vie - le roman d'Anaïs Jeanneret est une découverte subtile de ce début d'été
Apolline Elter
La solitude des soirs d'été, Anaïs Jeanneret, roman, Ed. Albin Michel, mai 2013, 232 pp, 19 €