Dans une autre vie
dans un autre temps,
une femme écoute
son maître,
son amant,
son amour.
Il parle…
et elle écoute.
Nanon ! gadé ti moun en nou
commen i bel.
I bel mem !
Nanon !
gadé ti moun en nou
commen I fô !
I fô toubonemen !
Et de prendre à témoin le monde entier
pour la beauté,
pour la force,
pour le charme
d’un être
fait pour
plaire
charmer et
aimer.
Mais soudain le ciel se fait gris
dans le cœur de Nanon…
les compliments n’arrivent pas
à écarter les nuages…
le ciel gronde
et l’orage éclate…
par des larmes infinies…
Hier soir
pas plus tard que hier soir
dans les bras l’un de l’autre
pour une échappée belle
vers un plaisir partagé…
Elle vient de comprendre
que le destin va devenir cruel…
c’était si beau
c’était trop beau
cette vie au creux du bonheur…
la rivière au chant si doux,
les filaos amoureux du vent…
les mélopées douces amers
des femmes pleurant la misère du monde…
le tambour au loin rythme la nuit…
le cœur se met au diapason
et le son de la voix du maître
tambourinant des nouvelles
d’un lendemain de douleur…
le lendemain est devenu
jour de peine
et
dans quelques instant
la chair de ma chaire
s’arrachera de moi.
Demain est devenu
jour de douleur
et
le regard d’une mère
ne croisera plus
le regard d’un fils
adoré…
Le regard d’une femme
Ne croisera plus
Le regard de l’aimé
Georges ! oui ti moun à vou bel
Georges ! oui ti moun a vou fô…
Ti moun en nou !
Non timoun a vou !
couté bien pou tend…
a pa ti moun en moin encô
i ja pati…
i ja quité moin…
Dans la solitude de mille nuits sans lune…
une femme pleure et son fils et son amour…
misère du monde
de ce double déchirement…
Et la distance est grande
et le chagrin est immense…
la chair de ma chair…
Dans un autre temps
dans un même lieu…
une autre femme hurle sa douleur
d’une autre perte,
d’un autre drame,
d’une autre trahison…
L’enfant espéré, conçu, et offert à la vie…
l’enfant s’envole
vers d’autres cieux
vers d’autres mondes…
j’ai vu des terrains
mourir de honte
de s’être laisser affubler
d’un panneau
à vendre…
j’ai vu cette femme
mourant de chagrin
de s’être laissée
doublement dépouillée
de sa propre chair.