Je lisais dans les médias haïtiens cette
semaine que des parlementaires américains s’impatientent de voir les Nations
Unies (UN) reconnaître leur responsabilité dans le dossier du choléra en Haïti.
Ou encore que Ban Ki-moon cherche un million par année pour gérer l’épidémie de
choléra en Haïti. Le président Martelly jonglerait avec l’idée de poursuivre
les Nations Unies, alors que plus de 500 personnes auraient déjà entrepris des
démarches. La semaine dernière, des gens ont bloqué une partie du centre-ville
pour que réparation soit faite et que la Minustah fasse ses valises. Sur ce
dernier point, ils sont plusieurs demandeurs. J’ai toujours pensé que la
Minustah avait joué à l’imbécile dans ce dossier, au plan des communications du
moins (lire ce billet), en s’inscrivant sottement au centre
de la cible. Le contexte pré-électoral aidant, il deviendra payant
d’instrumentaliser la grogne contre les UN et leur rôle dans l’épidémie du
choléra, mais les haïtiens sont-ils sur du solide dans ce dossier ? Il est
probable que l’établissement d’une responsabilité unique dans cette triste et
lente catastrophe (je vous rappelle qu’en date du 28 mai dernier, le choléra a
infecté près de 700 000 personnes, fait presque 3000 morts) ne sera pas une
mince affaire. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la Minustah est
responsable d’avoir amené la bibitte dans le pays. Les UN étire au risible
certains concepts techniques (scientifico-juridiques) pour éviter de se mettre
la tête sur le billot, mais c’est peine perdue. Considérant ce que l’on savait
sur la situation de l’épidémie dans certains pays (le Népal pour ne pas le
nommer), il aurait été plus prudent de la part des UN de s’assurer que les soldats
qui débarquaient en terrain vierge ne soient pas infectés de la bibitte. Dans
ce sens, je comprends que ces mêmes UN se sont depuis données de nouvelles
règles pour l’affectation des casques bleus afin d’éviter à nouveau ce genre de
situation. Peut-être le début d’un aveux ? Mais au plan de l’épidémie qui a suivi
l’introduction de la bactérie Vibrio cholerae, quel a été le rôle de l’État
haïtien ? Je me suis laissé raconter par des proches des hautes autorités
politiques (ils sont beaucoup à se
donner le titre de proche de …) et des acteurs des organisations internationales,
que le pays avait merdé dans ce dossier (et ce n’est pas une tentative de
blague !). Entre les heures qui ont suivi l’identification du premier cas le
lundi en fin de journée et le résultat du premier test (le mercredi matin
suivant), les UN ont mobilisé une équipe d’experts internationaux (qui était
sur place le jeudi), proposé un intervention rapide (sur un délai de 4 jours) qui
aurait permis au gouvernement de circonscrire l’épidémie en isolant et
nettoyant la souche. Dès les premières heures, la fameuse base de la Minustah
aux abords de la rivière Artibonite avait été identifiée comme l’éventuelle
souche de l’infection et on savait comment limiter rapidement les dégâts. Les
UN avaient également rendu le cash disponible pour toute cette opération.
L’idée bien évidemment était d’éviter que la bibitte commence son long périple
dans toutes les zones du pays. Toujours selon mes ‘sources’, cette proposition serait
restée trop longtemps sans réponse du gouvernement haïtien (certains parlent
d’un mois) avant de devenir caduque, non pertinente. Des effluves nationalistes
anti-UN (exacerbées en contexte post séisme) et la faiblesse de l’État seraient
les causes de ce délai. Pour certains plus cyniques, on serait une fois de plus
face à une action de sabotage, question de faire entrer encore davantage
d’argent dans le pays !! Après quelques semaines, l’équipe d’experts a plié
bagages pour laisser toute la place à ces centaines d’ONG qui ont implanté des
services pour soigner tout ce beau monde, et déployer des programmes de
prévention. Il en ont profité pour vider les institutions sanitaires du pays en
offrant au personnel clinique des salaires mirobolants, mais ça, c’est un autre
problème… Après moins d’un an, ces ONG avaient épuisé les fonds et ont eux
aussi plié bagages. L’État maintient toujours ses efforts pour prendre en
charge l’épidémie, mais en cette saison pluvieuse (et celle des ouragans qui
nous attend au détour), les organisations internationales (l’OMS et OCCHA entre
autres) tirent toujours la sonnette d’alarme sans toutefois réussir à lever les
fonds nécessaires pour gérer les conséquences. À cette étape de la courte
histoire du choléra en Haïti, ils sont plusieurs haïtiens à questionner
l’intérêt de lancer le pays dans une démarche de reconnaissance de responsabilité
de la part des Nations Unies. L’affrontement n’est probablement pas la
meilleure tactique même si elle peut attirer des sympathies populaires dans le
contexte pré-électoral actuel. Si j’étais à la place du gouvernement haïtien,
j’inviterais les Nations Unies à redonner un peu de lustre au bleu de leurs
casques et négocierais les appuis nécessaires pour aider le pays à faire face à
cette maladie qui pourrait continuer d’affliger la population pour encore
quelques décennies. Des UN opportunistes pourraient profiter de cette occasion
pour se donner ne nouvelle façon de communiquer avec les haïtiens. Tout le
monde en sortirait gagnants.