Magazine Société
C'est l'information derrière l'information, l'arbre qui cache la forêt, qui mérite un petit examen cette semaine.
Car non seulement rien de ce qui nous arrive ne peut nous apporter la moindre satisfaction, mais ce que les médias nous en disent, les analysent qu'ils en font, et surtout ce qu'ils en oublient jettent l'observateur dans un océan de spleen.
Ainsi par exemple, les événements qui se sont enchaînés, et notamment l'affaire Tapie ont rejeté aux oubliettes les dégâts collatéraux en cascade provoqués par les errements de Frigide Barjot. On croit bien faire en l'oubliant : on a tort. Les battements d'aile de ses papillons papa-maman ont provoqué des cataclysmes non seulement dans les familles françaises, mais surtout jusqu'en Russie et en Afrique centrale.
Dans les familles françaises, il suffit pour s'en rendre compte d'écouter les carnets de bord des services d'écoute de SOS Homophobie, qui font état d'une hausse exponentielle des drames et violences homophobes depuis que la marche pour tous a prétendu qu'on pouvait refuser des droits aux citoyens homosexuels sans faire d'homophobie.
Drames familiaux... Le Refuge croule sous les demandes d'asile de jeunes homos et lesbiennes jeté(e)s à la rue par des parents « légitimés » par le discours bleu et rose, mais aussi drames dans les écoles, les collèges, les immeubles, les quartiers...
En Russie, la presse a rendu compte des Manifs pour Tous avec des commentaires si sympathiques et partiaux que les Russes ont pris fait et cause pour le mouvement. Le terreau était fertile pour la graine homophobe : une église proche du pouvoir, intolérante et rétrograde, des groupes nationalistes bien « virils » très nombreux, une recherche effrénée de hisser « la Grande Russie » au-dessus d'un « Occident » supposé décadent en stigmatisant des libertés « au-delà de la ligne rouge », au premier rang desquelles on trouve tout naturellement l'homosexualité.
Ainsi, le projet de loi tendant à interdire les homosexuels de toute publication et de toute médiatisation est-il, depuis les premiers balbutiements de Frigide, devenu une vraie loi.
Les agressions se sont multiplié, dont certaines très sanglantes. Or celles qui ont les honneurs de la presse, avec commentaires désobligeants et homophobes à l'appui, ne sont que les plus effroyables. Notamment celle qui a vu, à Volgograd, le corps de la victime quasiment dépecé et éparpillé dans un parc....
Mais les milliers d'agressions auxquelles les victimes survivent tant bien que mal ne sont pas répertoriées : de peur de représailles, personne ne porte plainte. Sans compter que ni le ministère de la sécurité intérieure ni le ministère de la justice ne disposent d'un quelconque critère statistique qui permettrait de distinguer les agressions et meurtres homophobes des autres.
Voir entre autres ICI, ICI, ICI, ICI, et ICI ...
Un récent décret du Kremlin interdit maintenant de laisser partir des enfants à l'adoption si le demandeur est homosexuel. La Russie n'avais pas réagi aux treize premiers pays qui ont légalisé le mariage et l'adoption pour tous, mais le tapage médiatique de Miss Deux-Doigts les a fait trébucher sur la quatorzième marche... Reste à savoir comment ils vont faire pour déterminer la préférence sexuelle des candidats à l'adoption...
En gros, depuis les vaticinations et piétinements de la Manif pour Tous et des comptes rendus qu'en ont fait les médias russes, la vie des homos russes est revenue à ce qu'elle était dans les années 60.
En Ukraine, la Gay Pride de Kiev, qui avait été autorisée, a été interdite 24 heures avant son déroulement. Les autorités semblent avoir attendu avec malignité que tous les préparatifs soient faits et les invités étrangers arrivés dans le pays pour proclamer l'interdiction.
Au Nigéria, une nouvelle loi est votée: 10 ans de prison contre tous les homosexuels affichant publiquement leur relation et interdiction du mariage sans certificat médical d’hétérosexualité sous peine de 14 ans d'emprisonnement. La Manif pour Tous y a été citée en exemple comme « un sursaut de salut public ». Là encore, on fait comment pour le « certificat médical d'homosexualité » ? Le médecin devra-t-il donner de sa personne ?
En Zambie, grosse médiatisation autour de deux procès de militants LGBT, la presse présentant là encore la Manif pour Tous comme « un sursaut de salut public ».
Au Maroc, deux homosexuels ont été condamnés pour s'être tenu la main grâce à une loi très ancienne mais jamais abrogée, qui n'avait plus été appliquée depuis près de cinquante ans.
Même en Europe, dans la très catholique Lithuanie, on étudie maintenant une loi empêchant les homosexuels d'adopter, ce qu'aucune loi n'interdisait jusqu'ici. Pourquoi juste maintenant ?
Il convient donc de féliciter Frigide Barjot pour l'ensemble de son œuvre internationale.
En France, non seulement les homophobes de tous poils se sentent pousser des ailes et s'estiment légitimés à agresser des gays, des lieux gays ou symboliquement gay-friendly comme les permanences du PS un peu partout. Les voilà qui se prennent à fantasmer sur la non-légitimité d'un gouvernement de gauche pourtant bien élu, à montrer leurs muscles un peu partout et même à assassiner en pleine rue un étudiant qui avait l'intelligence de les prendre pour ce qu'ils sont. Ajoutons, photo à l'appui parue dans la presse, que Clément Méric avait manifesté pour l'égalité du droit au mariage aux côtés des LGBT.
Quand on les interviewe, ils estiment « ne pas être entendus ». S'il suffisait de se faire entendre pour gouverner un pays, non seulement leurs groupuscules n'existeraient pas vu leur infime minorité, mais on imagine la pétaudière d'un pays gouverné par des braillards à gros biceps, effrayés par le futur au point de vouloir toujours recommencer le passé, incapables de créer, d'imaginer, de progresser, et n’ayant de repères qu'en exaltant les pages les plus sombres de notre histoire.
Tiens à propos, je m'offre une petite digression. Encore que, peut-être pas si hors sujet que cela... Pas plus tard qu'hier, François Fillon, vous savez, ce grand progressiste qui avait d'abord parlé d'abroger la loi sur le mariage avant de vouloir se limiter à la « réécrire », a affirmé sur France 2 qu'il serait candidat à la présidence « par devoir, et pas par envie ». Cette déclaration a allumé un petit clignotant dans mon esprit de gauchiste tordu : le dernier à avoir fait preuve d'un désintéressement si exemplaire, c'était Pétain, qui voulait « faire don de sa personne à la France ».
Comme Fillon ne peut pas dire une connerie sans que Copé ne surenchérisse, et aussi en vertu du principe d'égalité, sachez que ce dernier vient de déclarer que si on veut interdire des groupuscules d’extrême-droite, il convient aussi faire le ménage à l'extrême-gauche. Comme si on pouvait mettre sur le même plan des individus qui veulent priver les autres de d'égalité des droits républicains et ceux qui travaillent au contraire à parfaire l'égalité des citoyens. Cet amalgame est très typique du profil de l'individu Copé. Méfions nous des contorsions de cet énergumène...
Pendant que nos médias s'extasient sur le formidable activisme du gouvernement et la formidable obstruction de l'opposition, des petits curieux regardent par les fenêtres de notre pays, et voient des choses intéressantes : Le FMI vient de reconnaître que le plan d'austérité appliqué à la Grèce le 11 mai 2010 était une connerie qui avait conduit à une catastrophe. Alors ça, non seulement on l'avait dit et « on n'a pas été entendus », comme ils disent, mais maintenant qu'eux même l'avouent, personne, quasiment aucun grand média ne répand la nouvelle aussi largement qu'elle le mérite.
Il est vrai que l'assassinat de ce pauvre Clément Méric et les très puériles excuses de son meurtrier (« C'est lui qui a commencé ») occupent très largement nos médias, sans pour autant qu'ils ne s'étendent comme ils faudrait sur le réveil de l’extrême droite autour de l'homophobie...
Mais tout de même : un journal télévisé, ça dure une demie heure. Une journal, il y a plein de pages dedans. Auraient-ils peur d'un vrai « printemps français », pas de celui qui a pris ce nom alors que son programme ressemble bien davantage à l'automne, mais un vrai printemps ?
Bon, le mois de mai est passé, on est en juin, ce serait un printemps tardif. Les Français pensent plus à profiter de quelque repos avec les quelques deniers que la crise ne leur a pas encore piqué, mais tout de même... La fachosphère n'est pas si regardante sur la qualité de ses raisons pour se fâcher.
Nous, nous avons de vraies bonnes raisons. Si on se fâchait ?