La pluie tombait sur la petite place pavée du théâtre de Caen. Le vent normand fort capricieux s’engouffrait sous les bâches des terrasses, les cafetiers essayaient maladroitement de les raccrocher sans pouvoir éviter que des poches d’eau se renversent sur les clients mécontents. Devant le théâtre, assis sur les marches en béton, un jeune homme tapait du pied en attendant son amoureuse. À cet instant, Maria traverse la place. Elle avait passé une sale journée : rendez-vous à Pôle Emploi et toujours pas de travail. Trop qualifiée, trop jeune, pas assez d’expérience. Et pour finir, ce temps ! Heureusement, elle avait pensé à prendre son caban bleu. D’ici quelques mètres, elle serait chez elle, bien au chaud. Devant elle, une vieille dame tire de toutes ses forces un caniche blanc qui semble hiberner sur les pavés de la place.
— Bouboule ! Viens avec Maman ! Le portable de Maria sonne, elle décroche. Le chien regarde la jeune fille et commence à se redresser. Il jette un regard en direction de sa maîtresse, puis de Maria et aboie. Il s’est décidé : il va tenter une évasion. D’un mouvement brusque, il tire sur sa laisse qui glisse entre les mains de la vieille dame, elle le poursuit mais glisse sur les pavés mouillés. Le caniche se jette dans les bras de Maria, qui lâche alors son téléphone. Aidée par des badauds, la vieille femme se relève et se précipite vers Maria. Tel un escrimeur prêt à gagner la médaille d’or aux Jeux Olympiques, elle pointe sa canne en direction de la poitrine de la jeune femme. — Voleuse ! Elle assène un coup de canne à Maria. Le chien se blottit dans les bras de la jeune femme. — C’est lui qui s’est jeté et... — Bouboule ne ferait jamais ça, jeune fille ! Il est si peureux ! s’exclame la vieille dame qui assène un nouveau coup de canne. Maria se met en colère. — Vous allez arrêter avec votre canne, sinon je vais vous... Maria s’arrête de crier. Les bras croisés, des badauds regardent la jeune femme avec sévérité. — Voler un chien à une vieille dame ! — Elle a l’air violente en plus. Ces jeunes... — Il faut appeler la police ! C’est une honte ! Maria tend le chien à la vieille dame qui l’attrape en le serrant fortement contre sa poitrine. — Tu es bien avec ta maîtresse. En rentrant, je te ferai un petit bœuf bourguignon avec beaucoup de beurre, comme tu l’aimes ! Le caniche jette un dernier regard à Maria. La vieille dame quitte la place. La jeune femme fouille dans ses poches. — Mon portable... Non ! s’exclame-t-elle.
Elle baisse la tête. L’appareil flotte au milieu d’une flaque d’eau. L’écran clignote passant du rouge au vert puis au jaune. La jeune femme ramasse l’appareil. En se relevant, elle aperçoit devant elle une colonne sur laquelle sont placardées des affiches pour un spectacle de magie. Elle se penche et lit : « William Larsan, le célèbre magicien, sera là pour un show exceptionnel dans votre ville. » Elle sourit. « Découvrez ce grand prestidigitateur dans un spectacle unique. » Son regard se pose sur un bandeau orange collé par-dessus les affiches sur lequel est imprimé « Complet ». — Journée de m....Elle baisse la tête et quitte la place alors que la pluie redouble.
Retrouvez la suite le vendredi 14 juin !