Sotiria Bellou (1921-1997), par Thibault Balahy
Delphes, Grèce, 22 avril 2008.
A cinq cent mètres de la table de taverne ou je suis assis, deux aigles se sont croisés, il y a cinq mille ans, pour désigner à Zeus le nombril du monde. Apres plusieurs péripéties, dont un
assassinat, un emprisonnement et un exil, Apollon a hérité du site, accroché au Parnasse, avec vue sur le golfe de Corinthe et la ville d'Itea, ou Jean-Daniel Pollet a tourné certains
plans de Trois jours en Grèce, dont un beau travelling sur la jetée droit vers la mer et retour vers la terre, en hommage à Yannis Ritsos, le grand poète décedé pendant le tournage. Delphes,
sanctuaire d'Apollon, centre du monde antique. Apollon, Dieu de la musique, qui, au fronton ouest de son temple, à Delphes, a prêté sa lyre à Dionysos. De là à faire d'Apollon le Dieu de la pop,
il y a un pas que je franchis sans crainte, d'autant que le musée de Delphes abrite la premiere partition de musique connue : une stèle de marbre où sont gravés, au-dessus des paroles d'un chant
religieux, des signes indiquant la mélodie aux joueurs de lyre et au choeur.
J'avais promis une carte postale pop. Je ne sais pas ce que c'est, mais j'imagine qu'elle doit parler d'autre chose que de mythologie grecque. Mon expérience grecque de la pop se limite a deux
choses :
- L'achat, hier soir, d'un disque de Sotiria Bellou, la grande voix du rebetiko, le blues gec, dechirante musique des bas-fonds de Smyrne et du Pirée, des bouges à haschisch, des sous-prolétaires
exilés au fil du vingtième siècle de pierre enduré par la Grèce, comme l'écrit Ritsos. (Nombreux extraits de Sotiria Bellou ici.)
- L'écoute exclusive de plusieurs albums et enregistrements de Bob Dylan, pendant la traversée Le Pirée - Santorin, quinze heures de bateau la nuit, sans couchette, sur un siege pullman
crasseux, ou dans un salon où s'entassaient des Grecs presque tous fumeurs - signe parmi d'autres du niveau de civilisation et de culture maintenu ici, mais il est vrai qu'ils
partaient avec un peu d'avance sur nous Francais. Une dizaine d'heures de Dylan, donc, le temps que se vide la batterie de mon lecteur MP3 Apple Macintosh ( j'ai bizarrement oublié son nom).
Obsession du moment et obligation volontaire de travail ( expression malheureuse qui me rappelle un fait lu dans la biographie de Ritsos : lorsque les nazis ont tenté d'emmener des Grecs au STO,
le peuple l'a refusé net, empoignant à mains nues les mitraillettes dans les rues d'Athènes : 400 morts, mais aucun Grec n'a fait le STO). Dylan, oui, surtout ses trois derniers albums, qui ne
cessent de monter dans mon admiration. Love and Theft, son blues rugueux, sombre, d'apocalypse. Puis le miracle de souplesse de Modern Times, vraiment l'un de ses plus grands
disques. Workingman Blues, une sorte de Like a Rolling Stone apaisé par l'âge et une différente forme d'humour.
Voilà, je reprends la route pour Olympie, Sotiria Bellou dans le lecteur CD de la voiture de location. Je penserai aux Modern Lovers dans l'avion, pour mon article de mardi prochain.
Baisers de Grèce.Cyril