"Le vrai génie du christianisme" de Jean-Louis Harouel

Publié le 07 juin 2013 par Francisrichard @francisrichard

René de Chateaubriand avait tout faux, enfin, presque tout faux. Le fait est que le génie du christianisme n'était pas là où il le croyait.

Il avait envisagé le christianisme "sous ses aspects poétiques et moraux", puis il l'avait étudié "sous ses rapports philosophiques et historiques". Mais il était passé à côté de ce qui fait le vrai génie du christianisme.

Pourquoi?

"Il était trop poète et pas assez sociologue, ce qu'il ne faut pas regretter. Les sociétés modernes produisent plus aisément des sociologues que des Chateaubriand!"

Ce qui fait le vrai génie du christianisme?

C'est Fustel de Coulanges, dans son célèbre livre La cité antique, qui l'a mis en évidence:

"Il montre que l'immense apport historique du christianisme a été d'opérer la disjonction du politique et du religieux, de permettre la séparation du spirituel et du temporel, et que cela a été le creuset de la liberté de l'individu, d'où est née la société moderne."

Deux phrases du Christ sont à l'origine de cette distinction, à laquelle il faut rapporter "l'invention par l'Europe occidentale - et non par d'autres grandes civilisations - du progrès technique et du développement économique, dont bénéficie aujourd'hui une grande partie de l'humanité":

"Mon royaume n'est pas de ce monde."

"Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu."

Les autres grandes civilisations, qu'il s'agisse de la civilisation grecque, chinoise ou musulmane, se sont en effet révélées incapables d'une telle invention. Il leur a manqué ce qui fait la spécificité du christianisme par rapport aux autres: la place qu'il laisse à la liberté de l'individu, préalable au progrès technique et au développement économique.

Au dualisme chrétien, Jean-Louis Harouel oppose leur monisme, c'est-à-dire leur forte intrication du temporel et du spirituel, qui s'est révélée complètement inhibitrice.

Le christianisme, par ce dualisme qui le caractérise et qui distingue le royaume céleste du royaume terrestre, est d'ailleurs paradoxal, puisqu'il porte en germe la possible sortie de la religion:

"Le christianisme est la seule religion qui, en engendrant un processus de sécularisation, ait préparé les esprits à se passer du divin à l'échelle de sociétés entières. Le christianisme est la civilisation qui a produit l'homme sans Dieu, libéré de la religion."

C'est pourquoi, les plus anti-chrétiens, athées ou agnostiques, sans en avoir conscience, "appartiennent à la civilisation forgée par la religion chrétienne"...

Toutefois ce dualisme "qui fonde le christianisme a été historiquement une voie malaisée à suivre":

"Ce n'est que progressivement, et à travers bien des tâtonnements, des tensions et des convulsions, que se sont concrétisées l'antithèse des deux royaumes - celui des cieux et celui de la terre - ainsi que la différenciation de ce qui est respectivement dû à Dieu et à César."

L'auteur nous raconte qu'il y a eu ainsi, au cours de l'histoire de la civilisation chrétienne, tantôt volonté de prééminence du temporel sur le spirituel et tantôt volonté de prééminence du spirituel sur le temporel (césaropapisme et théocratie dans la version protestante).

Le dualisme chrétien a dû accomplir une longue marche, jalonnée de retours du monisme sous la forme, par exemple, de l'augustinisme politique (mission religieuse de l'Etat) et juridique (droit venu des cieux) ou du millénarisme (absorption messianique du politique par le religieux).

Au XXe siècle les religions séculières, le plus souvent politiques (Rousseau les avait inventées deux siècles plus tôt), ont également rejeté la distinction du politique et du religieux. Il en a été ainsi de ces religions politiques millénaristes que furent le communisme et le nazisme, avec les conséquences que l'on sait.

Aujourd'hui d'autres religion politiques, confondant le politique et le religieux, ont fait leur apparition et menacent les valeurs de la civilisation chrétienne.

En France, la religion séculière de l'humanité, religion d'Etat des nouveaux droits de l'homme, basés sur le principe primordial de la non-discrimination, a transposé la morale évangélique dans le droit:

"Or la morale évangélique, qui fonde cette religion, n'est pas porteuse de valeurs de durée. Elle ne vise pas à assurer la continuité des sociétés humaines. Les valeurs évangéliques sont des valeurs individuelles de progrès moral, de perfection morale, des valeurs de sainteté. Elles ne sont pas destinées à régir la vie sociale."

Cette religion d'Etat considère, à tort, l'immigration extra-européenne comme un nouveau droit de l'homme, inéluctable et positif:

"Sauf de manière ponctuelle et passagère, les pays européens n'ont pas besoin des immigrés extra-européens pour leur économie. Ce sont les immigrés extra-européens qui ont intérêt à venir en Europe pour obtenir des niveaux de vie incommensurablement supérieurs à ceux de leurs pays d'origine. Des niveaux dont ils bénéficient du fait de leur travail, mais plus encore du fait de la générosité envers eux de l'Etat providence."

Cette religion d'Etat se confond avec l'antiracisme:

"Se rattachant au millénarisme d'une humanité mondialisée aux individus interchangeables, l'antiracisme est une religion séculière, qui a pris le relais du socialisme et du marxisme. C'est un nouvelle figure de l'égalitarisme absolu, au nom de la réalisation du paradis sur terre."

Cette religion d'Etat est "imposée sous la menace de lourdes sanctions judiciaires" (c.f. les lois Pleven, Gayssot, Taubira, etc.):

"La punition judiciaire du blasphème et du sacrilège est de retour. C'est une immense régression par rapport au droit pénal du XIXe siècle et du premier XXe siècle., qui ignorait délibérément les fautes contre la religion, au nom de la distinction du spirituel et du temporel."

Aussi cette religion d'Etat est-elle despotique, liberticide, et paralyse-t-elle des nations entières, qui l'ont adoptée, comme la France:

"Une véritable neutralité de l'Etat doit être rétablie envers toutes les religions. L'Etat ne doit être au service d'aucune religion - y compris séculière - si on veut espérer sauver l'avenir des nations européennes et la liberté de l'esprit qui leur est historiquement inhérente.

Née de la distinction chrétienne du spirituel et du temporel, la liberté absolue de la pensée inventée par l'Occident est sans doute le plus précieux patrimoine de l'humanité."

Francis Richard

Le vrai génie du christianisme, Jean-Louis Harouel, 270 pages, Jean-Cyrille Godefroy