Le photographe devant deux de ses œuvres - Photo Télam
Lundi dernier au Monastère Santa Catalina du quartier de San Nicolás à Buenos Aires s'est ouverte une exposition photographique d'hommage à l'ancien archevêque de la ville, devenu pape le 13 mars dernier.
Il s'agit d'une initiative conjointe d'un photographe catholique et pratiquant, Enrique Cangas, et du recteur de cette maison d'exercices spirituels, le Père Gustavo Antico. L'entrée est libre et gratuite, de 9h à 20h, jusqu'au 28 juin prochain, esquina Viamonte y San Martín, à deux pas du centre commercial Galerias Pacífico, côté Centro Cultural Borges.
L'exposition est constitué de 25 clichés instantanés saisissant quelques instants privilégiés du labeur pastoral du cardinal Bergoglio pendant les dix dernières années, c'est-à-dire uniquement quand il était l'archevêque en charge du diocèse (aucune image de lui avant son ordination épiscopale ni pendant qu'il était évêque auxiliaire ou coadjuteur). Lavement des pieds du Jeudi Saint avec une photo prise dans un hôpital, procession de Saint Sacrement (qu'il vient de guider à Rome, dans une impressionnante ferveur populaire, jeudi de la semaine dernière), messe d'enfants au Parque Roca ou rencontre œcuménique au Luna Park, le photographe avoue qu'il a eu bien du mal à faire un tri dans les nombreuses photos, en majorité inédites, qu'il possède sur un prélat qu'il suivait en esprit de foi.
L'agence de presse nationale Télam a rendu compte de la manifestation avec une dépêche très respectueuse (alors que l'agence est fermement kirchneriste, comme tous les organes d'Etat). Clarín a choisi, comme à son habitude, les déclarations approximatives, comme lorsqu'il titre sur "Le Pape et La Ville" (manque de bol, justement il ne s'agit pas du Pape) et qu'il continue en décrivant l'exposition comme celle de "photos relevant de la vie quotidienne" alors qu'il ne s'agit pas vraiment de vie quotidienne. D'emblée le titreur brouille les pistes et vide la manifestation de sa dimension spirituelle... Il faut dépasser cette méchante impression pour entrer dans un article qui s'annonce pourtant creux. On peut alors prendre connaissance des déclarations pleines de foi et d'humilité de Enrique Cangas et se rendre compte de la portée et de la nature de cette proposition de Santa Catalina.
C'est sur le site Internet de l'agence d'information catholique argentine, AICA, que le lecteur obtiendra les informations les plus solides. Encore faut-il en connaître l'existence.
Francisco : servidor en Buenos Aires, servidor para el mundo (François, serviteur à Buenos Aires, serviteur pour le monde) est donc le premier hommage artistique (et privé) rendu dans sa ville natale au nouveau Souverain Pontife (on peut considérer l'émission philatélique conjointe Argentine-Saint Siège le 2 mai comme le premier de ces hommages). Pour ce que j'en ai vu sur les journaux que j'ai pu consulter, elle vaut le coup si on connaît un peu cette ville et ses traditions religieuses. Elle a pour but de répondre à la curiosité des Portègnes que la décision du Conclave a développée au-delà de l'imaginable.
Quelques réflexions du photographe, glanées dans les différents médias :
“Mi objetivo - ha declarado el fotógrafo que tuvo la oportunidad de retratar al Papa en numerosas ocasiones- era mostrar que las actitudes y los gestos del Papa Francisco que hoy asombran al mundo y abren una etapa de esperanza para toda la Iglesia son una continuación de lo que demostró en Buenos Aires” - Télam
Mon objectif, a déclaré le photographe qui a eu la chance de faire le portrait du Pape à de nombreuses occasions, c'était montrer que les attitudes et les gestes du Pape François qui aujourd'hui émerveillent le monde et ouvrent une étape d'espérance pour toute l'Eglise sont la continuation de ce dont il faisait preuve à Buenos Aires. (Traduction Denise Anne Clavilier)
“Esto forma parte de diez años de camino. Yo lo seguía a Bergoglio por devoción y también porque algunas veces me contrataban para hacer mi trabajo en charlas o eventos. Pero la idea de exponer surgió en una charla personal con el padre Gustavo Antico, rector del monasterio Santa Catalina, y allí le conté que tenía mucho material fotográfico de la fe de los argentinos y también de Bergoglio” [...] “Sentimos que era el momento para presentar estas imágenes a todos”. [...] “Fui a mi archivo y empecé a revisar. Encontré fotos por todos lados y me decidí por estas 25. Tengo más de cien y seguramente las iremos agregando. Fue difícil decidir porque todas representan un momento único. Las trajimos a esta iglesia porque es un lugar bendecido y privilegiado del Centro. Es el marco perfecto” [...] “Nuestro gran objetivo es ir a Río de Janeiro a fotografiar a Francisco en su próxima visita y llevar los cuadros para compartirlos con los jóvenes” [...] “No fui amigo del Papa, pero tuve una relación estrecha y me reconozco como un bendecido por haber estado tan cerca suyo. Teníamos un buen trato: para romper el hielo le hablaba de San Lorenzo y era inevitable su respuesta. Jorge es un hombre muy respetuoso, reservado y de bajo perfil”. - Clarín
Tout cela fait partie de dix ans de cheminement. Moi, je suivais Bergoglio en esprit de foi (1) mais aussi parce que telle ou telle fois, on m'a embauché pour faire mon travail au cours de conférences ou de grands événements. Mais l'idée de l'exposition est née d'une conversation personnelle avec le Père Gustavo Antico, recteur du monastère Santa Catalina, où je lui ai dit que j'avais beaucoup de matériel photographique sur la foi des Argentins et de Bergoglio aussi. [...] On a senti que c'était le moment de présenter ces images à tout le monde. [...] Je suis allé dans mes archives et j'ai commencé à les passer en revue. J'ai trouvé des photos de partout et je me suis décidé pour ces vingt-cinq-là. J'en ai plus de cent et on va sûrement les rassembler. Cela a été difficile de décider parce que toutes représentent un moment unique. Nous les avons apportées dans cette église parce que c'est un lieu béni et privilégié du centre-ville (2). C'est le cadre parfait. [...] Notre grand objectif c'est d'aller à Rio de Janeiro pour photographier François pendant sa prochaine visite et emporter [les photos] pour les partager avec les jeunes (3). [...] Je n'étais pas un ami du Pape, mais j'ai eu une relation étroite [avec lui] et je reconnais que j'ai été béni d'avoir été aussi près de lui. Nous avions de bonnes relations : pour rompre la glace, je lui parlais de San Lorenzo (4) et sa réponse était immanquable. Jorge est un homme très respectueux, réservé et modeste. (Traduction Denise Anne Clavilier)
"Para quienes lo conocieron, esta muestra significa un recuerdo y un homenaje a ese hombre de Dios que guió los pasos de la Iglesia en Buenos Aires durante 15 años¨. ¨Para los que no tuvieron esa gracia, deseo fervientemente que esta exposición los ayude a ver la presencia de Dios en este pastor humilde que hoy sirve al mundo¨ [...] "Esta muestra forma parte de 10 años de camino recorrido con mi cámara junto al ex arzobispo de Buenos Aires. Tuve la oportunidad de cubrir, acompañar y trabajar en diferentes ámbitos en los que Bergoglio fue desarrollando su tarea como pastor" [...] Las fotos también reflejan, subraya, “su tenacidad y humildad para transmitir la Palabra de Dios en homilías y conversaciones” - AICA
Pour ceux qui l'ont connu, cette exposition représentent un souvenir et un hommage à cet homme de Dieu qui a guidé les pas de l'Eglise à Buenos Aires pendant 15 ans. Pour ceux qui n'ont pas eu ce bonheur (5), je désire avec ferveur que cette exposition les aide à voir la présence de Dieu dans ce pasteur humble qui aujourd'hui sert le monde [...] Cette exposition fait partie de 10 ans de chemin parcouru avec mon appareil photo à côté de l'ex-archevêque de Buenos Aires. J'ai eu la chance de suivre, accompagner et travailler dans les différents contextes dans lesquels Bergoglio a développé sa tâche de pasteur [...] Les photos reflètent aussi, souligne-t-il, sa ténacité et son humilité pour transmettre la Parole de Dieu dans des homélies et des conversations. (Traduction Denise Anne Clavilier)
Photo Clarín
Pour aller plus loin : lire la dépêche de Télam lire l'article de Clarín lire l'article de la AICA lire l'entrefilet en français deNews Va (Service d'information du Vatican) lire l'entrefilet en espagnol de NewsVa.
(1) Je préfère cette traduction (en esprit de foi) au substantif dévotion qui, en français, pourrait recevoir une tout autre interprétation. Il peut désigner une admiration toute mondaine, un sens dont le terme semble être tout à fait dépourvu ici. Aujourd'hui, en France, on parle de dévotion au souvenir d'Edith Piaf ou de Dalida. Et l'idolâtrie moderne n'est pas loin. (2) Il est vrai que c'est un endroit assez étonnant. D'abord c'est l'un des monuments les plus anciens de Buenos Aires, qui n'a pas gardé beaucoup d'éléments architecturaux de l'époque coloniale, y compris dans son patrimoine religieux. Ensuite on s'y trouve tout près de l'effervescence citadine de Buenos Aires, dans la zone des banques et des centres commerciaux, tout autour cela sent très fort le goût du lucre, le clinquant du marketing et la fièvre acheteuse. Mais il suffit de mettre le pied à l'intérieur de ce qui n'est plus un monastère en tant que tel pour trouver le silence et la paix... Même les arbres du cloître ont l'air de prier. C'est un des lieux les plus contemplatifs de tout ce coin qu'on appelle le micro-centro et qui compte pourtant quelques églises. (3) lors des Journées Mondiales de la Jeunesse, du 23 au 28 juillet prochain. (4) Pour ceux qui découvrent ce blog et cette série d'articles sur le Pape et le retentissement de sa personnalité à Buenos Aires, le San Lorenzo en question est le club de foot du quartier de Almagro dont le Pape est membre et supporter assidu. (5) On peut traduire par la notion de chance ou la notion de grâce, au sens le plus spirituel du terme. J'ai donc coupé la poire en deux.