Une nouvelle étude publiée par l'Agence britannique de recherche sur l'alimentation et l'environnement (Fera) tendrait à montrer que les pesticides néonicotinoïdes n'affectent pas les bourdons et donc les abeilles. Mais l'Agence de Sécurité alimentaire européenne (Efsa) n'est pas d'accord avec les conclusions de cette étude.
Les fabricants de pesticides n'ont pas encore digéré l'avis de l'Agence Européenne de Sécurité Alimentaire publié en janvier 2013 et qui pointait la responsabilité de trois familles de pesticides néonicotinoïdes dans la mortalité des abeilles, l'imidaclopride (Gaucho, Coboy 350, Confidor, Provado), la clothianidine (Poncho , Elado, Modesto, Smaragd) et le thiaméthoxame ( Cruiser, Actara) très utilisés en Europe dans l'agriculture. De nouvelles études visant à démontrer à l'Efsa qu'elle s'est trompée dans son évaluation sont donc régulièrement lancées.
Ainsi l'étude publiée par l'Agence britannique de recherche sur l'alimentation et l'environnement (Food and Environment Research Agency - Fera) et intitulée " Effects of neonicotinoid seed treatments on bumble bee colonies under field conditions" (Thompson et al.) suggère que les pesticides néonicotinoïdes n'ont pas d'effet majeur sur les colonies de bourdons en conditions réelles. Mais L'Efsa vient de préciser dans un communiqué diffusé ce mercredi 5 juin qu'elle avait identifié plusieurs faiblesses dans l'étude et qu'elle ne changeait donc pas son avis.
Ainsi les évaluations faites par l'Efsa concernant ces pesticides et sur lesquelles elle s'est appuyée pour affirmer qu'ils sont toxiques pour les abeilles, portaient sur les utilisations autorisées d'un certain nombre de produits phytopharmaceutiques contenant du thiaméthoxame, de la clothianidine et de l'imidaclopride au sein de l'Union européenne. Or souligne l'Efsa, " l'étude de la Fera n'a examiné qu'une seule culture, le colza, et deux produits phytopharmaceutiques, l'un contenant de la clothianidine, l'autre de l'imidaclopride, dont l'utilisation est autorisée au Royaume-Uni ".
Par ailleurs, les sites d'essai et les zones avoisinantes utilisés dans l'étude de la Fera ne représentent qu'un petit échantillon des conditions agricoles au Royaume-Uni et ne peuvent donc être considérés comme représentatifs des conditions dans d'autres parties de l'UE.
En outre l'Efsa reproche à la Fera de ne pas avoir pris en compte deux voies importantes d'exposition des abeilles aux pesticides, la poussière et la guttation. Par ailleurs dans ses évaluations, l'Efsa avait tiré des conclusions principalement pour les abeilles mellifères.
Elle considère donc que " les études de terrain concernant les bourdons ne peuvent pas être utilisées pour comprendre les risques pour les abeilles mellifères et les autres pollinisateurs en raison de différences significatives entre les espèces ".
Les experts de l'Efsa ont souligné en outre un certain nombre d'autres lacunes dans le rapport : incohérences et déclarations contradictoires sur les objectifs de l'étude, absence de colonies témoins appropriées, conditions environnementales différentes des trois sites d'essai, ce qui réduit la sensibilité de l'étude à détecter des effets sur les colonies.
Enfin l'Efsa a également soulevé des questions concernant la façon dont Thompson et al. ont élaboré et interprété les résultats de l'étude pour parvenir à leurs conclusions.
Bref les lobbyes de la chimie ne désarment pas pour défendre les pesticides aux dépends des abeilles. L'Efsa pour l'instant tient bon. C'est une bonne nouvelle alors même que ce mercredi 5 juin était la Journée Mondiale de l'Environnement. Reste à espérer que la Commission Européenne tienne très vite compte de cet avis. Mais pour l'instant elle s'en fout...
Stella Giani