Les fleurs du bien ne fâneront pas

Publié le 05 juin 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof


Détail de l'exposition. © Barbara Salesch

Actuellement, les rayons de soleil se font rares. Alors entre deux averses j'ai décidé de me rendre à la galerie Jean-Pierre Ritsch Fisch et je ne suis absolument pas déçue du voyage puisque j'ai eu droit à un moment chaleureux, coloré et convivial qui m'a fait oublier mes contrariétés de la journée. Jean-Pierre Ritsch Fisch et son assistant Jean-François Kaiser exposent l'artiste allemande Barbara Salesch.

Cela fait plus de 30 ans que Barbara Salesch, sculpte, dessine et peint. Sa passion s'était révélée dans les marges de ses cahiers d'écolière. Pourtant, l'artiste a fait une carrière professionnelle bien loin du monde de l'art, sauf si on part du principe que les talk show font partie d'un milieu artistique. Néanmoins, je crois que nous ne pouvons nier que les talk show apparaissent plus comme des tableaux de divertissement que comme des tableaux d'artiste.


Vue de l'exposition. © Barbara Salesch

Barbara Salesch a commencé comme avocate et a été ensuite propulsée en haut de l'affiche, dans une carrière à la télévision. Son travail artistique est demeuré en sourdine pendant quelques années. Alors, en 2012, elle décide de se consacrer pleinement à son travail d'artiste. Une troisième vie, qui lui accapare la majeure partie de son temps. Et si Barbara Salesch a laissé tomber le maillet, c'est pour se rapprocher du marteau. Il est devenu son nouvel outil et son compagnon de route lorsqu'elle crée des sculptures.

Néanmoins, aucune de ses sculptures n'est exposée dans cet espace. L'artiste nous présente des gravures sur bois et des dessins à l'huile. Ses séries sont intitulées les fleurs du bien. Soyez tranquilles, il n'y a aucune analogie avec la chanson du même nom de ce très populaire Pascal Obispo. Toutefois, il m'est difficile de ne pas penser à l'œuvre majeure de Baudelaire, Les fleurs du mal. Ici pas d'oxymore ni d'antinomie puisque l'artiste traite des fleurs du bien. Baudelaire nous promet une réalité extrêmement triviale, tandis qu'à l'inverse on ne retrouve chez Barbara Salesch, aucune obscénité ni choses abjectes, juste de la douceur. N'apparaissent ici que des couleurs, des teintes et nuances veloutées, sensuelles et envoûtantes, qui elles, ne sont pas sans rappeler, peut-être, le thème de la femme si cher à Baudelaire dans son recueil. La femme comme une fleur qui fleurit et qui se fâne ?


Vue de l'exposition. © Barbara Salesch

Des formes très organiques et végétales, telles des empreintes qui viendraient se superposer sur le papier. Une légère pensée pour les corps-pinceaux d'Yves Klein peut ici être (d)énoncée. Les couleurs sont toujours les mêmes, se superposent et s'opposent.  Du brun, du jaune, du rose, du rouge, du violet, du vert, de l'orange, du noir, du blanc et tant d'autres deviennent le système de l'artiste. Au-delà de ces gravures aux teintes chaudes, l'artiste nous montre que le noir et le blanc sont des couleurs dans une série, où les formes paraissent à la fois organiques, végétales et féminines. Et si dans le langage courant on parle de non-couleur lorsqu'on se réfère au noir et blanc, Barbara Salesch nous soutient tout à fait le contraire.

Je me suis réellement laissée transporter dans les nuances de coloris et leurs substances. Le violet m'a projetée dans la délicatesse et la profondeur des sentiments. Le rouge, couleur que j'affectionne tout particulièrement, exprime l'ardeur, la chaleur et la passion, tandis que le jaune invoque la lumière. La pâleur du rose profite de ses nuances, tandis que l'orange se complaît dans la joie et la gaieté. Le bleu est synonyme de tendresse pendant que le vert incarne l'espérance et l'optimisme. Je ne suis malheureusement pas une spécialiste en matière de symbolique des couleurs et laisse volontiers ce travail à Michel Pastoureau. Je crois cependant, que la finesse des œuvres de Barbara Salesch nous laisse l'opportunité de créer et d'imaginer nous-mêmes des symboliques liées aux différentes carnations exposées. Je pense que ces différentes teintes nous entraînent dans des mondes utopiques propices aux pérégrinations de l'esprit.


Détail de l'exposition. © Barbara Salesch

On peut être étonné de voir ce type de travaux dans une galerie spécialisée dans l'art brut et l'outsider art. Mais en creusant, on se rend compte que Barbara Salesch est elle-même préoccupée et férue d'Art Brut. Son travail qui fonctionne en systèmes et séries est proche dans le concept de celui d'un Wölfli, ou dans la série d'une Rosamerie Koczy. Elle travaille comme de nombreux artistes majeurs d'Art brut, de façon spontanée, et sans prétentions ni démarche intellectuelle. La créatrice, joue sur les formes et les matières ainsi que sur les teintes et les nuances. Jusqu'à présent Barbara Salesch était complètement autodidacte, mais actuellement elle prend des cours dans une académie d'art. J'ai été totalement conquise par son travail de coloriste, de recherche et d'expérimentations. Il y a une finesse d'exécution dans les toiles de l'artiste, proche de celle d'enlumineurs ou de miniaturistes. D'un seul regard sur la toile, un sentiment nous envahit, et on comprend naïvement que Barbara Salesch est une véritable peintre au sens strict de la couleur. D'ailleurs Proust disait « Le style pour l'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre, est une question non de technique mais de vision. »[1]



[1]Proust, À la recherche du temps perdu, Temps retrouvé, 1922, p.895

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Barbara Salesch, les fleurs du bien à la galerie Jean-Pierre Ritsch-Fisch, du 23 mai au 27 juillet 2013

Anaïs.