Vox clamantis in deserto ?
Lors de soirées putes à frange et enculeurs de maman, on me demande parfois à quoi ressemble la vie d'un critique musical. Fort de ma courte expérience approximative, je tiens à dissiper beaucoup d'idées reçues circulant à ce sujet. Derrière la profession de foi d'un héraut du partage mélodique, certains envisagent les pires excès auto-destructeurs, des accointances avec la pègre des majors, des relations adultérines nées dans la fange de partouzes entre artistes. Mon Dieu, si vous saviez.
En réalité le critique musical est un animal étrange. Etrange parce qu'une passion plus ou moins vivace le convainc qu'il doit prêcher la bonne parole. Se faire le prêtre salvateur et messianique d'un nouveau chant à décrypter, d'une exégèse nécessaire. Laissez venir à moi les petits auditeurs. La seule différence est qu'il n'a pas fait voeu d'abstinence : il consomme, parfois même pratique la liturgie musicale. Il se veut à la fois pape et fidèle. Tout en aimant la musique, il pourrait se consacrer au golf, devenir une référence en Scrapbooking. Mais non : il se sent élu en terre de mission.
Ceci étant dit, en quoi consiste son activité quotidienne ? Ne le répétez pas c'est un secret : il écoute de la musique. Le matin à la radio. Le soir en concert. Par écouteurs lors d'un trajet. Quand il va au supermarché, lorsqu'il regarde un film, dès qu'il fréquente des soirées sonores, son oreille est à l'affût, sa main toujours prête à Shazamer. Le genre de lourdingue qui s'exclamera reconnaître l'Adagio de Barber en plein reportage sur l'Holocauste. C'est comme ça : le critique musical est un Terminator de la musique diffusée. C'est plus fort que lui.
Et qui dit névrose dit inconvénients. Fort de ses douze mille vinyles, trente mille cds, et autant de références, le gars rêve parfois de n'avoir qu'un seul album. De dire stop le temps de rattraper le tempo perdu. D'écouter enfin le douzième titre d'une oeuvre oubliée. Et s'inquiète en même temps sur la toile de ne pas avoir trouvé son nouveau shoot. Avant tout le monde.
Mais quand il rentre le soir fourbu, las, déglingué, quand il finit par s'en foutre du " qu'en écoutera-t-on ? ", il s'apaise sur les morceaux qu'il...aime vraiment. Sa chapelle intime. Etonnant non ?
Spéciale dédicace au grand chaman Didier Varrod qui arrête Encore un matin après trois ans de bonnes et loyales découvertes musicales.