Du 18 au 21 avril s’est déroulée entre Alger et les camps de réfugiés sahraouis du sud Sahara une conférence internationale pour le droit à la résistance de la femme sahraouie. Deux militantes, membres du collectif Femmes en Marche d’Aubagne, ont participé à cette rencontre visant à dévoiler aux yeux du monde la réalité que vit le peuple sahraoui et à obtenir un élargissement de la mission internationale des Nations Unies pour un référendum sur le Sahara occidental. Sophie Péhaut-Bourgeois fait le récit de leur rencontre avec Nuena, Fatimatou et Rabeha, trois femmes sahraouies.
Qui a entendu parler des camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf, en Algérie ? Qui sait qu’un peuple lutte depuis 40 ans pour retrouver sa terre située entre océan Atlantique, Algérie, Mauritanie ? Qui sait qu’une véritable diaspora existe entre l’Espagne, l’Algérie, la France et qu’une partie de ceux qui ne sont pas partis vit dans des camps en plein Sahara, très près des frontières avec le pays qu’ils revendiquent et que le Maroc occupe : le Sahara occidental. Leur pays est divisé en deux par un mur construit par les marocains avec l’aide d’Israël. D’un côté la bande ouverte sur l’Atlantique où sont les richesses qui pourraient fournir une économie aux Sahraouis. Celle-là est occupée par le Maroc. L’autre, faite de sable et de mines, est défendue par l’armée Sahraouie, le front Polisario.
Je suis loin de vouloir prétendre par ces lignes donner l’exacte situation de ce conflit, mais juste dire que j’ai décidé de parler de ce que vivent ces femmes, ces enfants et ces hommes dans les camps que j’ai visités lors de la conférence internationale pour le droit à la résistance de la femme sahraouie en avril dernier. Nous avons, deux membres du collectif Femmes en marche d’Aubagne, répondu à l’invitation d’une association de femmes marseillaises. Cette association elle-même invitée par l’union des femmes algériennes. C’est avec une très vague idée de tout ce qui se passe dans cette partie du monde que nous avons accepté l’invitation. Disons tout de même que nous avions déjà rencontré des Sahraouis à Aubagne, il y a deux ans à l’occasion de la fête de la Paix. Déjà nous avions pris connaissance des souffrances endurées par ce peuple dans les territoires occupés par le Maroc.
Nous nous sommes donc retrouvées à Alger au milieu d’une délégation d’environ 150 femmes et hommes – mais là pour une fois le féminin l’emportait sur le masculin- en partance pour Boujdour, via l’aéroport de Tindouf dans le sud algérien. Nous y aurons passé deux jours. Court me direz-vous. Non, largement suffisant pour saisir l’ampleur du malheur que ces populations endurent. Mais ce n’est pas immédiatement en arrivant le soir que j’ai saisi combien il est difficile de vivre dans ces conditions, d’espérer un avenir pour ses enfants, d’avoir accès à tous ces biens indispensables à l’humain pour vivre dignement. Après un voyage long, fait d’attentes, d’inconnu, nous sommes enfin arrivées par car, d’autres en 4×4, dans un endroit difficile à identifier au milieu du désert et dans la nuit. Toutes les maisons construites à l’identique, sans rien pour les différencier les unes des autres. Puis nous avons été réparties dans des familles.
La journaliste et militante des droits des femmes Sophie Péhaut-Bourgeois (au centre sur la photo) en compagnie de ses hôtes
C’est là que nous avons fait connaissance de Rabeha, notre hôte, et de Nuena et Fatimatou, qui nous serviront de guide et de traductrices. Nous nous sommes installées dans la pièce principale d’une maison d’environ 30M2 au total. Cette pièce semblait être le salon de Rabeha et de sa famille. De petites ouvertures grillagées pour laisser passer un peu de lumière, un peu d’air la nuit et pas trop de chaleur en journée. Des murs blanchis à la chaux, des tapis couvrant le sol, une petite télé (nous apprendrons que nous étions dans un des seuls camps où l’électricité est fournie). Et une ou deux photos de famille. Nous posons nos affaires et ressortons dans la cour où Rabeha et son époux ont disposé les tapis et préparé le thé. Devant la maison, une tente complète le dispositif. « Elle a été cousue par les femmes, explique Nuena, et au moment des très fortes chaleurs, c’est le seul moyen d’avoir un peu d’ombre ». Il est deux heures du matin lorsque nous allons nous coucher. On s’allonge sur les tapis et vue la journée, pas de problème pour s’endormir. Vers 6 heures du matin, réveillée par le chant du coq, je sors dans la cour. Le choc est là. A 360°, des maisons, des tentes, des animaux, des hommes couchés dehors. Et ce sable à perte de vue. J’écris sable mais c’est plutôt un mélange de sable et de caillasse où rien ne pousse. Je ne sais pas ce que mangent les chèvres. Et voilà je touche du doigt le quotidien de ces familles, de ces femmes. L’eau est absente, seules des citernes sont regroupées près des maisons, remplies par l’Algérie. Un tuyau sort du sol et permet à trois quatre familles de s’y alimenter en eau « potable ». Forcément pour la toilette, pas de douche, et le reste à imaginer. Pendant ces 48h, nous aurons été reçues avec beaucoup de générosité. Les explications de nos hôtes nous ont convaincus de la nécessité d’une action rapide. Nous avons cependant vu un peuple organisé, des femmes très actives et très impliquées dans l’organisation de leur état sans terre. Si ces femmes sont tellement impliquées, c’est aussi grâce à leur capacité à arracher des droits. Elles sont 25% au gouvernement, 24% au parlement, 61% dans l’éducation et la santé…
Pendant 48 heures, Catherine Burel et Sophie Péhaut-Bourgeois ont partagé le quotidien des femmes sahraouies
"Nous avons pris l’engagement de faire connaître leur lutte et qu’elles accèdent ainsi à la reconnaissance internationale"
De retour à Alger, la conférence s’est poursuivie, les déclarations à la tribune se sont succédées. Plus de 150 déléguées… venues du monde entier, et l’Afrique en force, convaincue que ce continent ne peut être libre sans la reconnaissance de la terre sahraouie. La conférence s’est engagée à la mise en place d’un contrat de solidarité avec les femmes sahraouies, d’un réseau. Mais surtout on attendait beaucoup de la réunion de l’ONU qui aurait permis en élargissant la Mission internationale des Nations Unis pour un référendum sur le Sahara Occidental, de regarder de près et de dénoncer les atteintes aux droits de l’Homme, et de condamner les emprisonnements , les viols, de réclamer la libération des prisonniers politiques, garantir les droits des enfants, des femmes
Mais le 27 avril la nouvelle est tombée plongeant dans la honte tous les français attachés aux droits de l’Homme et à l’autodétermination des peuples. Une fois encore, l’ONU a cédé aux pressions à la fois du Maroc et de la France, le mandat des casques bleus ne comportera pas cette obligation qui aurait permis aux sahraouis de la zone occupée de dénoncer les exactions, de porter plainte, de pouvoir se réunir, créer des associations, de se réclamer sahraoui….
Sophie Péhaut-Bourgeois
Catherine Burel et Sophie Bourgeois ont adressé un courrier à Najat Vallaud-Belkacem, ministre chargée des Droits des Femmes et porte parole du gouvernement. Lire ce courrier