L’étoile HD 95086 est masquée au centre ; le cercle bleu représente l’orbite de Neptune
Une équipe internationale découvre en imagerie directe avec le VLT une très jeune exoplanète de 4 ou 5 fois la masse de notre Jupiter
Alors que le cap symbolique des 1 000 exoplanètes découvertes est en passe d’être franchi, seules une vingtaine d’entre elles furent identifiées par imagerie directe. L’immense majorité restante étant généralement détectée par des méthodes indirectes comme l’influence gravitationnelle exercée sur leur étoile-hôte (vitesse radiale) ou encore lors de leur transit/passage devant leur étoile (par cette méthode, le satellite Kepler a désigné plusieurs milliers de candidats en quelques années ; beaucoup attendent d’être confirmer). Même si beaucoup des étoiles étudiées sont moins chaudes et massives que notre Soleil, elles n’en demeurent pas moins très lumineuses et éblouissantes pour tout instrument sensible. Relativement petites en comparaison, les planètes sont par conséquent extrêmement difficiles à repérer dans un tel déluge de lumière …
Malgré toutes ces contraintes, une équipe internationale d’astrophysiciens a mis en évidence ce qui est probablement “la planète extrasolaire la moins massive jamais découverte en imagerie directe” à ce jour ! Un exploit qui, à n’en pas douter, sera rapidement dépassé au cours des prochains mois (peut-être même semaines) tant cette quête passionnante est engagée dans une constante compétition mondiale.
Bénéficiant des meilleures conditions d’observation terrestre (optique adaptative NACO — permet de pallier aux perturbations causées par la turbulence atmosphérique — greffée sur l’un des cyclopes — 8,2 m. de diamètre — du VLT), les chercheurs ont passé au peigne fin l’environnement turbulent de HD 95086, très jeune étoile âgée de seulement 10 à 17 millions d’années située à quelques 300 années-lumière de nous. Un peu plus massive que notre Soleil, elle fut pour l’occasion occultée volontairement afin de révéler le vaste disque de gaz et de poussières qui l’entoure. Le milieu est propice à la formation de planètes et c’est justement la tache ronde la plus dense, gros morceau ou grumeau de matière en orbite à 8,4 milliards de km (56 fois la distance Terre-Soleil !), qui est assimilé à une jeune planète géante. Nommée simplement HD 95086 b, sa masse équivaudrait de 4 à 5 fois celle de notre planète géante Jupiter. Sa température en surface est évaluée à 700° C : ”c’est suffisamment frais pour que de la vapeur d’eau et peut-être du méthane soient présents dans l’atmosphère” considère Gaël Chauvin (Institut de Planetologie et d’Astrophysique de Grenoble) qui a participé à cette étude. “Ce sera un objet très intéressant à étudier avec l’instrument SPHERE — nouvelle génération d’optique adaptative — qui bientôt équipera le VLT. Peut-être révèlera-t-il l’existence de planètes internes dans le système – s’il y en a. »
La position de la jeune planète “soulève des questions relatives à son processus de formation” estime Anne-Marie Lagrange, membre de l’équipe. “Il est possible qu’elle se soit constituée à partir de l’agrégation de roches qui composent un noyau solide à la surface duquel se sont lentement accumulés les gaz environnants au point de former une atmosphère épaisse ; il est également possible qu’elle se soit constituée à partir d’un amas de gaz né d’instabilités gravitationnelles dans le disque”.
A l’instar de la jeune planète massive découverte dans le giron de Fomalhaut (Fomalhaut b), ces berceaux planétaires observés en quasi-direct (nonobstant les distances) permettent aux scientifiques de suivre la formation des planètes, presque pas à pas quelques instants après la naissance de leur étoile (10, 20 ou 30 millions d’années c’est très peu à l’échelle d’une étoile qui peut vivre 8 à 10 milliards d’années !) et nous renseigne les voies empruntées pour l’évolution.
Crédit photo : ESO/J. Rameau.