Bienheureux et saint celui qui a part à la première résurrection :
sur eux la seconde mort n’a point de pouvoir ;
mais ils seront sacrificateurs de Dieu et du Christ,
et ils régneront avec lui mille ans»
(Apocalypse 20, 5, 6).
Il y a une grande ignorance théologique dans toutes les réflexions aujourd’hui répandues de façon scandaleuse touchant à la résurrection des corps, ignorance conduisant inévitablement à d’énormes confusions dont le triste spectacle se donne à voir, et surtout à lire, dans de nombreux endroits et en des clameurs déplacées vraiment étrangères à l’enseignement de l’Ecriture. Tout ce pénible bruit provoqué par un discours touchant à la prétendue « dignité du corps », ultime trouvaille pitoyable d’une chrétienté moderne passablement désorientée, discours proféré avec une complaisance indigne si caractéristique de l’état consternant dans lequel se trouve aujourd’hui la foi, devrait nous amener à méditer de nouveau ces lignes de Pascal exposant ce qu’il en est de l’état effectif de notre humaine nature : « …Aujourd'hui l'homme est devenu semblable aux bêtes, et dans un tel éloignement de [Dieu] qu'à peine lui reste-t-il quelque lumière confuse de son auteur, tant toutes ses connaissances ont été éteintes ou troublées. Les sens indépendants de la raison et souvent maîtres de la raison l'ont emporté à la recherche des plaisirs. Toutes les créatures ou l'affligent ou le tentent, et dominent sur lui ou en le soumettant par leur force, ou en le charmant par leurs douceurs, ce qui est encore une domination plus terrible et plus impérieuse. Voilà l'état où les hommes sont aujourd'hui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur première nature ; et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature. » [ …] Nous sommes pleins de concupiscence. Donc nous sommes pleins de mal. Donc nous devons nous haïr nous-mêmes, et tout ce qui nous attache à autre chose qu'à Dieu seul. » ( Pensées de M. Pascal sur la Religion et sur quelques autres sujets, 3e édition, Paris, Guillaume Desprez, 1671, [34] ; [70] ) Mais par delà cet aspect non négligeable replaçant à sa juste place l’homme et la valeur de ses extases sensibles, le point essentiel relatif à la résurrection de la chair tant célébrée et mise en avant par les actuels louangeurs du corps, point cependant qui n’est jamais abordé car parfaitement oublié bien que fondamental, porte sur le fait que la résurrection annoncée par l’Ecriture n’est pas à venir pour tous les hommes, mais seulement pour les justes.Dans l’épître aux Philippiens, nous trouvons la confirmation de la même vérité : «Si en quelque manière que ce soit je puis parvenir à la résurrection d’entre les morts» ; ce serait un effort bien inutile ; et si l’homme le plus incrédule pouvait y avoir aussi part, il ne serait pas question d’y parvenir. Si, au contraire, les justes doivent être ressuscités à part en gloire, c’est un but qui mérite d’être sérieusement poursuivi.
En grec ce passage a une force que le français ne rend pas. L’apôtre a inventé un mot grec pour exprimer cette résurrection distincte — exanastasis — une résurrection d’entre les morts. C’était ce que Paul cherchait à atteindre. Le Christ, l’objet de la faveur divine, a été ressuscité d’entre les morts, lui, les prémices ; et Paul espérait faire partie de la récolte du Christ lorsqu’Il reviendra du ciel, comme il le dit à la fin du chapitre : «D’où aussi nous attendons le Seigneur Jésus-Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire». Il est donc évident que l’Esprit insiste sur une résurrection qui appartient aux justes et à laquelle les méchants n’ont aucune part. On s’en aperçoit même au sujet des vérités les plus ordinaires : «Attendant l’adoption, la délivrance de notre corps». L’apôtre n’aurait pu se servir d’une expression semblable pour exprimer que le corps sera délivré du pouvoir de la mort, s’il avait eu en vue une commune résurrection en vue du jugement.
De même il est dit dans l’épître aux Hébreux : «Comme il est réservé aux hommes de mourir une fois, — et après cela le jugement, ainsi le Christ aussi, ayant été offert une fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra une seconde fois, sans péché, à salut à ceux qui l’attendent» (Hébreux 9, 27, 28). Ici encore l’incrédule n’a aucune part au salut et à l’attente du Seigneur. Remarquons encore, dans ce passage, que cette part du croyant est en contraste avec la mort et le jugement — part naturelle de l’homme déchu. Nous voyons combien le Christ et le croyant sont associés par le Saint Esprit ; de telle sorte que la vie et la résurrection appartiennent à tous deux : seulement le Christ les possède par droit divin et nous par grâce. Ces croyants se confiaient en Dieu qui ressuscite les morts ; ils savaient que Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous ressuscitera aussi avec Jésus et nous présentera avec tous les saints ; ils savaient aussi que «si notre maison terrestre qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons un édifice de la part de Dieu, une maison qui n’est pas faite de main, éternelle, dans les cieux» (2 Corinthiens 5, 1) ; ils attendaient que ce qui est mortel fût «absorbé par la vie». Dieu les avait formés à cela même, et leur avait aussi donné les arrhes de l’Esprit, afin qu’ils eussent toujours confiance.
L’inexacte et fallacieuse doctrine d’une résurrection commune à tous, aboutissant au jugement, exclut de telles pensées. Lorsque Le Christ vient pour juger les vivants sur la terre, et qu’Il les trouve mangeant, buvant, achetant, vendant, etc., toute l’Écriture déclare que les justes apparaîtront avec Lui : «Et l’Éternel, mon Dieu, viendra, et tous les saints avec toi». «Le Seigneur est venu au milieu de ses saintes myriades». «Quand le Christ... sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui en gloire». «Et les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin lin, blanc et pur». «Ceux qui sont avec lui, appelés, et élus, et fidèles». Les anges viendront assurément avec Lui, mais combien de ces passages ne s’appliquent ni ne peuvent s’appliquer aux anges ! «Nous apparaîtrons avec Lui en gloire». + Ainsi donc avant que le Christ juge qui que ce soit, même les vivants, les justes auront été ressuscités et seront avec Lui. Dieu amènera avec Jésus ceux qui se sont endormis par Lui ; (1 Thessaloniciens 4). C’est cette parfaite association avec le Christ qui donne une telle valeur à la doctrine d’une résurrection distincte des justes.«Tel qu’est le céleste, tels aussi sont les célestes. Et... nous porterons aussi l’image du céleste». Toutes ces paroles nous enseignent donc, non une résurrection commune des justes et des injustes qui ne devraient être séparés que par le jugement, mais la précieuse vérité que les justes seulement seront associés à Jésus-Christ et séparés des méchants pendant le millénaire à venir où le Christ règnera, puis ensuite il y aura la fin des temps.
Qu’adviendra-t-il vraiment des morts après la fin des temps ?
Aucun passage de l’Ecriture ne nous renseigne sur ce point, mais nous pouvons admettre qu’ils seront transmués et préservés. «La chair et le sang, nous le savons, ne peuvent hériter du royaume de Dieu ». D’après la donnée générale des Écritures, nous pouvons donc être tout à fait certains que ces justes, préservés de l’universelle dissolution du ciel astronomique et de la terre, seront transportés (…) dans une condition nouvelle, appropriée à l’état éternel où ils seront introduits» (W. Kelly, Étude sur l’Apocalypse ). Ainsi il convient de redire avec saint Augustin : - « C’est par là foi qu’on approche de Dieu, et il est certain que la foi appartient au coeur et non au corps. Mais comme nous ignorons jusqu’à quel degré de perfection doit être élevé le ''corps spirituel des bienheureux'', car nous parlons d’une chose dont nous n’avons point d’expérience et sur laquelle l’Ecriture ne se déclare pas formellement, il faut de toute nécessité qu’il nous arrive ce qu’on lit dans la Sagesse: ‘‘Les pensées des hommes sont chancelantes et leur prévoyance est incertaine’’. » (La Cité de Dieu, ch. XXII).