Réunion de rentrée pour les parents d’une classe de primaire. Les mamans sont sagement assises à la place de leur enfant. Il y a aussi deux ou trois papas, et puis une mamie. Rien qu’aux
questions posées aux maîtresses, on peut deviner si leur gamin est l’aîné de la famille ou bien le dernier, si les parents lui passent tout ou bien encore sont en extase aux pieds de la statue de
leur rejeton. En ancienne combattante de la chose, tout cela m’amuse au plus haut point. Je regarde de tous mes yeux, j’écoute de toutes mes oreilles, et le plus difficile, c’est de ne pas
afficher ce petit sourire moqueur qui me démange du dedans…
Mais en Argentine, dans les milieux aisés du moins, le sommet de ce genre de réunions, c’est la « Liste », oui avec un L majuscule, elle le mérite bien !
Quelle liste ? La liste de tous les élèves – ceux du moins dont les parents sont présents – avec les noms et prénoms des parents, l’adresse de la famille, les numéros de téléphone, les adresses email et … la date d’anniversaire !
Parce que dans le Monde de Disney dans lequel une certaine catégorie d’Argentins élève ses enfants, chaque année, on se doit de faire une méga-fête avec toute la classe. A 25 gamins par classe, ça fait plus d’une fête par semaine ! Sans parler des indispensables cadeaux ! Le comble du mauvais goût est donc de prévoir la fête de Petit Dieu le même jour que celle d’une autre Petite Déesse de la même classe…
Je fais figure de mauvaise élève et de rabat-joie de service : les miens de gamins ne vont qu’à deux ou trois anniversaires chacun dans l’année, ceux de leurs vrais copains et copines, et nous n’invitons que ceux-là quand arrivent les anniversaires de Mes-petits-chéris-à-moi. En plus je ne donne jamais mon numéro de cellulaire. Non mais, vous ne croyez tout de même pas que je vais prendre le risque d’être dérangée en plein cours de gym par la maman d’un gosse que je ne connais même pas et qui me suppliera de laisser mon gamin à moi aller jouer chez eux à l’autre bout de la ville un lundi soir ??? (Parce qu’il y a ça aussi : la vie est une fête permanente dans le Monde de Disney…)
Donc, je reviens à ma réunion.
La maîtresse, au courant des usages, sort gentiment une feuille blanche et un stylo et les tend à la maman assise devant son bureau.
Mais que n’avait-elle pas fait là ? C’était sans compter avec Super-maman qui arrive avec cinq minutes de retard et brandit un tableau Excel avec les colonnes et les lignes toutes prêtes. « Ma secrétaire tapera tout et vous renverra un email ! » répète-t-elle.
C’était sans compter avec Super-super-maman, qui affiche, elle, un retard de dix minutes, et qui elle aussi brandit son propre tableau
Excel. Car Super-super-maman a pensé à tout : elle a recherché sa liste de l’année précédente pour recopier à l’avance les coordonnées des familles des petits camarades de son fils qui
viennent de la même classe !
Alors là, Super-maman en reste scotchée...
Ainsi va l’Argentine. Plus exactement, ainsi va l’Auteuil-Neuilly-Passy de Buenos Aires.