C'est une bien triste nouvelle que nous avons apprise hier : Dorothy Napangardi est décédée ce weekend dans un accident de voiture près d'Alice Springs.
Dorothy NAPANGARDI était une artiste phare dont les œuvres sont régulièrement exposées en Australie, aux Etats-Unis et en Europe. Considérée comme étant l'une des artistes majeures du mouvement
de l'art aborigène contemporain, ses œuvres sont très appréciées dans le monde entier par les collectionneurs et les conservateurs. L'ensemble de son œuvre lui a d'ailleurs valu de multiples
récompenses, notamment le premier prix du prestigieux “Telstra National Aboriginal and Torres Strait Islander Art Award" en Australie en 2001. On peut trouver les oeuvres de Dorothy au Musée des
Confluences (Lyon - Mécénat de la société Métropole Gestion), à la National Gallery of Australia (Canberra), à la National Gallery of Victoria (Melbourne),au Linden Museum (Stuttgart), à la
Kelton Foundation (Santa Monica, Etats-Unis), dans la collection Vroom (Amsterdam), etc. Elle fut, avec Kathleen Petyarre, l’une des premières artistes aborigènes de l’histoire à laquelle le
prestigieux Musée d’Art Contemporain de Sydney consacra une grande exposition personnelle.
Dorothy était née et avait passé son enfance dans la région de Mina Mina, dans le Désert de Tanami, à l’Ouest de Yuendumu. Elle y vécut une vie nomade avec sa famille, se nourrissant de baies
sauvages et s’abreuvant dans les marécages et trous d’eau très nombreux dans la région après la saison des pluies. Elle fut initiée à cette époque par son grand-père qui lui enseigna les
histoires liées à son clan, comme le « Rêve Femmes-bâton à fouir ».
Dorothy Napangardi quitta Yuendumu pour rejoindre Alice Springs en 1987. C’est à cette
date qu’elle commença à peindre, utilisant des couleurs vibrantes pour représenter les prunes puis les bananes sauvages qui poussent en abondance sur sa terre natale. Son style était alors semi
naturaliste et très coloré ; les œuvres de cette période ont mis en place un style solide qui préfigure les œuvres de sa maturité : elle y exprime déjà son habileté à déployer un motif d’ensemble
sur la toile, lui insufflant un mouvement qui permet à l’œil du spectateur d’appréhender l’intégralité du tableau plutôt que de se focaliser sur un point fixe.
Après avoir gagné en 1991 le prix du meilleur tableau du “Telstra National Aboriginal & Torres Strait Islander Art Award” - qui la fit connaître dans toute l’Australie - 1997 marque un
tournant dans sa carrière. En effet, elle décide d’entamer la narration du « Rêve Femmes-bâton à fouir » légué à elle par son grand-père. Ce Rêve relate un épisode durant lequel les Femmes
Ancêtres Napanangka et Napangardi se rassemblèrent (au Temps du Rêve) dans la région de Mina Mina et ramassèrent des bâtons à fouir sortis de la terre, puis partirent vers l’Est dans une
procession mystique, chantant et dansant le long des différentes pistes de Rêves qui s’entrecroisaient.
Ce sont ces pérégrinations que Dorothy évoquait dès 2000 avec le thème de “Salt on Mina Mina” :
les multiples points blancs qu’elle peint sur des fonds noirs évoquent les marais salés asséchés environnants, mais sont aussi une mosaïque qui cartographie le mouvement des Femmes-Ancêtres comme
vu du ciel, on parle alors de « vue satellitaire ».
Dorothy Napangardi, "Salt on Mina Mina", acrylique sur toile, 244 x 168 cm, 2007, collection musée des Confluences, Lyon
Stéphane Jacob dirige la galerie Arts d’Australie • Stéphane Jacob. Expert en Art Aborigène, Membre de la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en Objets d’Art et de Collection (C.N.E.S.), co-auteur du catalogue des collections du musée des Confluences de Lyon et du livre "La peinture aborigène". Il est signataire de la charte d’éthique australienne Indigenous Art Code, il s’attache depuis 1996 à faire connaître l’art et les artistes contemporains d’Australie.