Le sourire de Mao

Afin que l’étoile de la République Démocratique de Wallonie brille au firmament des nations, son nouveau président décide d’acheter au gouvernement Chinois la dépouille de Mao Tsé-Toung…

Scénario de Jean-Luc Cornette, dessin de Michel Constant, Public conseillé : Adultes et adolescents

Style : Politique-fiction Paru chez Futuropolis, le 7 mai 2013 Share

L’Histoire

Dans un futur proche, après des années de crise, la Belgique s’est scindée en deux états. Le président-capitaine Francis Delcominette est le nouveau chef d’état de la toute jeune « République Démocratique de Wallonie ». Cherchant à imposer son petit pays sur la scène internationale, il lorgne sur les méthodes de l’Allemagne nazie et de la Chine sous Mao.
Ludmilla, tout juste 16 ans, est une jeune fille exemplaire des « Fauves de Hesbaye », un groupe scout extrémiste dévoué au président.
En arborant fièrement un T-shirt de Mao, elle se rend avec sa copine Manon à une revue de troupes.
De son coté, Le président Delcominette mène son petit bonhomme de chemin avec bonhomie et irréalisme. Mené par ses envies et son plaisir, il enchaîne lors d’inaugurations sur-médiatisées des discours lisses. Son nouveau Dada : un grand musée national (et accessoirement chantier de réinsertion des délinquants) qui recevra, comme premier symbole, la dépouillle embaumée de Mao. Inutile de préciser que l’acquisition du corps du grand timonier, acheté à prix d’or, ruinent les finances déjà mal en point du petit pays.
Mais tout le peuple de Walonie ne suit pas unanimement le président-capitaine dans son délire de culte de la personnalité et d’identité nationale.
Antoine, jeune homme sensible et intelligent, a des idées bien arrêtées et très critiques sur la propagande du nouveau chef. Mais que se passe-t-il quand Pro et Anti Decolminette se rencontrent ? Leur vie peut basculer…

Ce que j’en pense

Avec « Le sourire de Mao », Jean-Luc Cornette et Michel Constant s’attaquent à un sujet sérieux sur un ton déconcertant.
Après l’exposition de la situation politique et la présentation des personnages, le récit bascule assez vite. La gentille fable, servie par des situations extrêmes qui nous font sourire, se transforme en une critique cynique du système. On rit jaune, pour ne plus rire du tout quand le drame s’invite dans le récit.
Entre malaise et comique de situation, Constant et Cornette nous baladent dans une fable politique qui rappelle cruellement la montée du nazisme en Allemagne. Hypocrisie, médiatisation outrancière, utilisation des uns et des autres pour contrôler l’ensemble de la société, tous les rouages malheureusement célèbres des régimes extémistes se mettent « gentiment » en place. Pourtant, coté « On », tout va bien. L’utilisation des prisonniers pour les chantiers du petit pays a l’air motivé par un soucis d’humanité. Ce n’est qu’au fur et à mesure qu’on prend l’ampleur de la tragédie qui s’installe dans l’indifférence la plus totale.
Sans moralisation, ni pointage de doigt facile, l’album se lit comme une allégorie amère et pertinente. Avec finesse et subtilité, Cornette et Constant nous rappellent les risques de dérives de nos sociétés. En exagérant à peine notre quotidien, ils nous sortent de notre somnolence. Replis identitaire et nationaliste, « Le sourire de Mao » nous met une petite claque derrière la tête et nous rappelle où se trouve le risque !

Le dessin

Pour « Le sourire de Mao », Michel Constant nous propose un style graphique assez particulier. Ambiances désuètes, couleurs désaturés et ligne claire, c’est le cocktail assez étonnant qu’il choisit pour accompagner le récit. L’ensemble est ultra-lisible et bougrement efficace. Son dessin expressif, sans exagération porte le ton doux-amère de l’album, sans alourdir l’ambiance.

Pour résumer

Jean-Luc Cornette et le dessinateur Michel Constant nous offrent un album de politique-fiction assez déconcertant.
Ton humoristique et fond sérieux et dramatique relatant les dérives d’un régime qui lorgnent sur le nazisme, c’est un album cynique (est-ce de l’humour belge ?) qui vous fera hésiter entre rires et larmes. Original, inattendu, « Le Sourire de Mao » est une belle découverte, pétillant et perturbant comme un coca-champagne.